Reportage par Olivier Carle
Photos: François Capdeville
Pour sa 1ère édition, le Heavy Weekend a vu les choses en grand avec le Zénith du Grand Nancy en configuration Open Air c'est-à-dire pouvant contenir jusqu'à 25,000 personnes. Ce seront au final 35,000 aficionados qui se rendront sur le lieu sur les 3 jours, un résultat plus que satisfaisant surtout au vu des doutes sur la météo à quelques jours du début du festival. Finalement, à part une grosse mais courte averse juste avant la prestation du premier groupe du vendredi, les Dieux du Ciel seront plutôt cléments avec nous... Le dimanche s'avèrera même être la première vraie journée d'été de 2024 ! Le choix de ce weekend s'explique par le fait que le Graspop avait lieu au même moment, permettant ainsi d'avoir les têtes d'affiche à proximité, la Belgique n'étant pas si loin... D'habitude c'est le Hellfest qui fait cause commune avec le festival belge mais comme il a été décalé à fin juin, cela a permis au Heavy Weekend d'en profiter ! Au total ce sont 11 groupes qui vont se relayer sur la scène nancéenne pendant ces 3 jours pour le plus grand bonheur des fans présents.
Jour #1: The Last Internationale, Extreme, Scorpions
La soirée de vendredi commence à 18h30 avec The Last Internationale. Le moins que l'on puisse dire c'est que je n'avais pas été conquis par leur prestation en 1ère partie de Kiss il y a 2 ans. J'avais trouvé que leur chanteuse Delila « hurlait » beaucoup trop et que le son était bien trop brouillon. Entre temps j'ai revu la vocaliste avec Laura Cox à La Cigale et c'était beaucoup plus intéressant et musicalement abouti.
A Nancy ce fut effectivement plutôt réussi avec une Delila relativement « calme » vocalement mais ne ménageant pas ses efforts pour entraîner le public encore peu nombreux du fait de l'horaire. Elle n'a pas hésité à aller jusque dans les gradins pour tendre son micro à qui voulait bien participer.
Pendant ce temps, Edgey maltraitait sa guitare sur scène notamment pour une version particulièrement cinglante de « Kick Out The Jams » avec une section rythmique au taquet.
Ce sont ensuite les Bostoniens d'Extreme qui s'emparent de la scène. Eux je les avais découverts en 1992 à la Grugahalle d'Essen pour la tournée « III Sides To Every Story ». J'accompagnais Thunder qui en assurait la 1ère partie pour le compte de mon employeur de l'époque, EMI Germany. Autant j'avais adoré les Britanniques qui mélangeaient blues et hard rock à la sauce 70's, autant les Américains m'avaient paru plutôt indigestes avec leur funk-metal très 90's et les performances guitaristiques un peu trop démonstratives à mon goût de Nuno Bettencourt.
Je les ai revus en 2014 au Hellfest et même si je n'ai pas revu ma position, j'ai trouvé leur prestation plus sympathique surtout sur un set de festival, traditionnellement plus concis. A Nancy, les 3 membres originaux à savoir Nuno, Gary, Pat et le batteur Kevin ont revisité les principaux titres de leur carrière comme « Hole Hearted », « Play With Me » et « Get The Funk Out » mais le plus attendu est bien évidemment la ballade « More Than Words » avec un très beau duo entre Nuno/Pat et les fans.
Le même Nuno nous a gratifiés d'une longue démo à l'acoustique qui me laisse à titre personnel toujours autant de marbre.
Les grands gagnants du jour, et ce n'est pas une surprise, seront Scorpions.
A Nancy ce sera mon 12ème rendez-vous avec les Allemands. J'avais déjà été très impressionné par leur prestation à Bercy il y a 2 ans et encore plus par celle à Guitare En Scène la même année mais là ce fut encore mieux. Il faut dire que depuis l'arrivée de Mikkey Dee, le quintet a bénéficié d'un effet booster scéniquement parlant. Le show est toujours de toute beauté avec des lumières exceptionnelles et des projections vidéo fantastiques.
Le son est dantesque et ça tourne de façon remarquable. Bon évidemment les esprits chagrins pourront toujours critiquer Klaus avec sa voix parfois limite et sa démarche de « papy » mais merci de ne pas oublier qu'il vient de fêter ses 76 printemps.
Cette tournée estivale marque les 40 ans de l'album « Love At First Sting » et on aura droit à la quasi-intégralité de l'opus mais surtout à un Best Of sans failles sur 90 minutes avec un final en apothéose : « Blackout », « Big City Nights », « Still Loving You » et « Rock You Like A Hurricane »... Cette tournée « d'adieu » n'en finit pas mais on ne va pas s'en plaindre !
Jour #2: Sortilege, Pretty Maids, Megadeth, Deep Purple
Le samedi c'est Sortilège qui ouvre le bal. Je les avais trouvés très pénibles au Raismes Fest il y a 2 ans, surtout la voix de Zouille que je ne prise guère. Là c'était un peu mieux car il a plus chanté que hurlé mais il n'en demeure pas moins qu'à l'exception de Vulcain et du Trust des débuts, le metal français n'est vraiment pas ma « tasse de thé » !
On passe donc rapidement à Pretty Maids qui fait partie de mes favoris du festival. Comme j'avais participé au lancement de leur premier album « Red, Hot & Heavy » en 1984 lorsque je bossais pour CBS, les Danois ont une place à part dans mon cœur. D'autant que j'ai eu la chance de les voir l'année suivante au Zénith parisien en 1ère partie de Saxon et en 1986 en tête d'affiche dans la même salle pour le mémorable « Future World » Tour. Je les ai revus plusieurs fois par la suite mais ce n'était plus la même chose même s'ils ont sorti d'excellentes choses en plus de 40 ans d'existence.
Ne subsistent d'origine que le guitariste Ken Hammer et le chanteur Ronnie Atkins. Ils ont recruté l'excellent Chris Laney aux claviers (et aux guitares additionnelles) et la section rythmique n'est pas en reste pour donner un bon son heavy à l'ensemble. Ronnie semble avoir retrouvé sa voix légendaire malgré ses nombreux problèmes récents de santé et ses excès divers et variés. Ken semble lui aussi en relativement meilleure forme que ce que j'ai pu voir par le passé et il a l'air heureux de revenir sur scène.
La setlist est plutôt efficace même si j'aurais aimé des titres un peu plus pêchus en lieu et place des sempiternelles ballades sirupeuses que sont « Please Don't Leave Me » et « Little Drops Of Heaven ». Heureusement qu'ils n'ont pas fait l'impasse sur « Red, Hot And Heavy », « Back To Back », « Love Games » et « Future World » de la grande époque. Très heureux en tout cas de retrouver les Danois grâce au Heavy Weekend...
En ce qui concerne Megadeth, on ne peut pas dire que le groupe de Mustaine n'aime pas la France puisqu'il joue 3 dates chez nous en ce mois de juin. Le Zénith de Paris il y a peu, Nancy ce weekend et le Hellfest dans quelques jours. Sans doute le concert le plus pêchu, thrash oblige, de ces 3 jours et on ne s'en plaindra pas !
En une heure et quart et 14 titres, les Américains vont mettre tout le monde d'accord. Dave est plus souriant que d'habitude et le nouveau guitariste finlandais qui remplace Kiko fait bien le job. James et Dirk sont toujours aussi impressionnants à la basse et derrière les fûts. C'est carré, direct et sans fioritures. Du récent « The Sick, The Dying... And The Dead ! » au classique « Holy Wars... The Punishment Due» en passant par « Hangar 18 », « Sweating Bullets », « Symphony Of Destruction » et « Peace Sells » avec la mascotte du groupe, Megadeth a vraiment marqué ce Heavy Weekend de son sceau métallique.
Et tout le public a repris en chœur le célèbre refrain de « A Tout Le Monde » pour la plus grande joie de Dave, trop heureux de chanter dans la langue de Molière !
Et on en arrive au moment le plus décevant et surtout bien triste du festival : Deep Purple. C'était mon 15ème des Anglais toutes époques confondues et j'en attendais beaucoup, sachant qu'ils trônent dans le Top 5 de mes groupes préférés. Malheureusement je ne suis pas loin de penser que cette tournée « =1 » est celle de trop. Ian Gillan est, à quasiment 80 ans, au bout du rouleau. Il n'a plus de voix. J'avais mal pour lui quand il tentait désespérément de choper la note. Il n'en a pas mise une dedans, toujours à côté.
Honnêtement ça faisait peine à voir. Il disparaissait constamment derrière la scène. Certains ont dit qu'il avait une bronchite, je crois surtout qu'il faut qu'il arrête et prenne une retraite bien méritée... A Guitare en Scène, au Hellfest et à La Seine Musicale il y a 2 ans ça allait encore mais là ça ne va plus du tout ! Don et le nouveau guitariste ont bien essayé de combler les trous à de nombreuses reprises et de lui donner du temps mais c'était peine perdue...
Dommage car la setlist était comme toujours bien choisie et Roger et Ian P. semblent en avoir encore sous le capot mais bon !
Jour #3: Ayron Jones, Tom Morello, Alice Cooper, Judas Priest
On en arrive au dimanche et à Ayron Jones qui ouvre les hostilités. Je l'ai déjà vu 2 fois il y a peu. La première fois au Plan en 2022 c'était plutôt une heureuse découverte, j'ai nettement moins aimé l'Elysée Montmartre il y a quelques mois car la mayonnaise a eu du mal à prendre à cette occasion. Là j'ai retrouvé le Ayron Jones du Plan grâce notamment au retour de son guitar-hero malheureusement absent à l'Elysée Montmartre.
Le bassiste avec son chapeau de cow-boy est toujours aussi déjanté et c'est lui qui met l'ambiance sur scène. Versions bien heavy de « Boys From The Puget Sound » , de « Supercharged » avec son côté Kravitz et de « On Two Feet I Stand ». Dommage que, comme pour Pretty Maids, des morceaux nettement plus softs comme « Otherside » ou « Blood In The Water » fassent retomber l'ambiance.
On est quand même au Heavy Weekend et son slot n'est que de 40 minutes ! Il balancera d'ailleurs un « Take Me Away » de bon aloi et de dernière minute à la fin du set et se fera rappeler à l'ordre par le régisseur de scène qui n'a pas vu d'un très bon œil son léger dépassement de l'horaire alloué...
On enchaîne avec Tom Morello, bien connu pour sa carrière avec Rage Against The Machine, Audioslave ou Prophets Of Rage. Etant un enfant du rock des 70's et des 80's, j'avoue humblement être passé un peu à côté de la carrière discographique de Mr Tom M. qui a sévi à partir des 90's...
Visiblement il ne chante pas puisqu'il en laissait le soin à l'époque à Zack De La Rocha. Il a donc trouvé judicieux de s'entourer d'un guitariste et d'un bassiste qui donnent de la voix là où c'est nécessaire, Tom se contentant de quelques passages en mode rap. Bizarrement le medley de RATM restera purement instrumental et le tube final « Killing In The Name » sera interprété vocalement par le public.
Pour le reste on retiendra une version haute en couleur de « Kick Out The Jams » après celle de The Last Internationale 2 jours plus tôt. La comparaison avec TLI ne s'arrête pas là puisque Tom confond parfois concert de rock avec tribune politique notamment dans le choix de ses visuels de fond de scène, souvent esthétiquement plutôt beaux, mais dont la signification subliminale m'a paru très communautariste et assez discutable...
Place maintenant au show toujours grandiose du légendaire Alice Cooper ! Bien qu'il ait déjà 60 ans de carrière, Mr Vincent Furnier a toujours bon pied bon œil et surtout sa voix a à peine changé...
Il est extrêmement bien entouré avec la belle Nita Strauss et les excellents Ryan Roxie et Tommy Henriksen aux guitares sans compter le batteur Glen Sobel et le bassiste Chuck « Beasto Blanco » Garric. Ce sera ce soir mon 7ème concert d'Alice et je peux dire qu'il sera une fois de plus une pleine réussite. La setlist alternera les tubes incontournables et quelques titres plus rares comme « Lock Me Up » de l'album « Raise Your Fist And Yell » de 1987 ou encore le bien heavy « Snakebite » de 1991 avec le retour du boa qu'on n'avait pas revu sur scène depuis des lustres...
Il y aura aussi la camisole de force, la guillotine, sa fille Calico qui participe activement au show, l'estrade de candidat pour « Elected », les épées, les aiguilles, les cannes, la poupée de chiffon et tout le toutim ! C'est toujours un peu pareil mais comment peut-on se lasser d'un spectacle aussi bien huilé et qui réveille la nostalgie chez chacun d'entre nous ? Triomphe bien mérité d'Alice et un final en forme de feu d'artifice au son de la cloche de « School's Out »...
Après le Zénith parisien il y a peu, en compagnie de Saxon, qui m'avait fortement impressionné, revoici Judas Priest pour mon 14ème RDV avec eux en 45 ans. Le show de ce soir sera assez proche de celui de Paris vu qu'on est toujours dans le cadre de la tournée « Invincible Shield ».
La setlist est toujours aussi imparable avec une quinzaine de brûlots pour 1 heure et demie d'orgasme musical. Rob nous parlera de Birmingham, patrie britannique du heavy metal avec leurs camarades de Sabbath et nous rappelera que Judas fête ses 50 ans de carrière en nous égrènant les grands albums du groupe depuis « Rocka Rolla » en 1974...
On ne pourra voir Glenn Tipton que sur les écrans car il n'a pu se déplacer comme il l'avait fait pour la date parisienne en raison de sa maladie... Pas grave, il sera présent dans nos pensées notamment pour le très attendu « Painkiller » et le triptyque « Electric Eye »/« Hell Bent For Leather »/« Living After Midnight » qui ravira les fans...
1ère édition du Heavy Weekend très réussie donc avec une affiche variée et riche en légendes. On attend l'édition 2025 avec impatience dans ce Nancy Open Air qui, on l'espère, accueillera un public encore plus nombreux. Nous en tout cas on y sera assurément !
Merci à Olivier et Matthieu...