Pour clore le mois de septembre en beauté, l'affiche proposée le 30 septembre au Bataclan avait de quoi faire saliver les amateurs de metal mélodique, progressif et folk : Dark Tranquillity, Soen, Equilibrium et Iotunn réunis sous le même toit pour une soirée haute en décibels. Il suffisait de voir la longue file d'attente dans la rue pour comprendre que cette date était attendue de pied ferme par un public fidèle et enthousiaste.
IOTUNN

La soirée débute avec Iotunn, groupe danois encore relativement discret sur la scène européenne mais qui, depuis la sortie de Access All Worlds, commence à se faire une place à part. Leur style ? Un savant mélange de metal progressif, de death metal mélodique porté par une atmosphère dense et une voix puissante. Le genre de musique qui invite autant à l’introspection qu’à l’évasion.
Malgré une salle qui se remplissait encore, le public a été capté par l’intensité du set, certes court (trois titres seulement), mais maîtrisé de bout en bout. “Mistland”, “Kinship Elegiac” et “The Tower of Cosmic Nihility” ont suffi à poser une ambiance à la fois froide et épique, entre riffs planants et passages plus lourds. Iotunn ne s’embarrasse pas de bavardages inutiles : leur musique parle pour eux, et le voyage commence dès les premières notes. Une très belle entrée en matière, avec une vraie proposition artistique, à suivre de près.
EQUILIBRIUM
Equilibrium, c’est un peu le coup de fouet dont une soirée a besoin pour monter en puissance. Avec leur mélange unique de folk metal et d’une bonne dose de mélodies épiques, le groupe allemand déchaîne les passions dès son entrée en scène.

Le set démarre fort avec “Born to Be Epic”, et comme souvent avec Equilibrium, c’est une déferlante d’énergie dès les premières secondes. Le public, jusque-là encore relativement calme, se réveille en un clin d’œil, la fosse se met en mouvement, et les premiers pogos éclatent. Vient ensuite “Renegades – A Lost Generation”, un morceau aux refrains fédérateurs, véritable appel au headbang collectif. Le groupe n’a jamais été aussi à l’aise qu’en live, et ça se voit : ça bouge, ça sourit, ça communique.
Mais la vraie surprise de la soirée, c’est l’apparition d’un nouveau titre : “Bloodwood”, récemment sorti, et qui, en live, prend une ampleur inattendue. Riffs efficaces, une rythmique qui embarque tout le monde — on sent que ce morceau est taillé pour la scène. Le public accroche immédiatement, preuve que le groupe continue de se renouveler sans perdre son identité.
La suite ? Une montée en intensité avec le toujours aussi puissant “Blut im Auge”, véritable hymne du groupe, puis “Cerulean Skies”, “Shelter”, et un final épique avec “Nexus”. Chaque morceau est un feu d’artifice d’émotions et d’énergie, le public est à bloc, le groupe visiblement touché par l’accueil parisien. Un set généreux, intense, où rien n’est laissé au hasard. Equilibrium a tout donné, et la salle leur a bien rendu.



SOEN
Place à une ambiance plus introspective, mais tout aussi puissante, avec Soen. Groupe suédois formé par l'ancien batteur d'Opeth, Martin Lopez, Soen évolue dans un univers à la croisée du metal progressif, du rock atmosphérique et du post-metal. Leur musique est un subtil équilibre entre lourdeur instrumentale et envolées mélodiques, portée par des textes introspectifs et une intensité émotionnelle.
Le concert débute avec “Sincere”, morceau tiré de leur dernier album Memorial, qui installe immédiatement cette ambiance à la fois pesante et lumineuse. Le son est clair, précis, chaque instrument trouve sa place, et la voix de Joel Ekelöf, toujours aussi habitée, s’impose avec une intensité bouleversante.
Et ce soir, le charisme du groupe est indéniable. Sur scène, ils imposent une vraie présence sans artifice : la musique fait le lien direct avec le public. D'ailleurs, ça se sent immédiatement : les connaisseurs sont là, nombreux, et certains sont visiblement venus principalement pour eux. Les regards sont attentifs, les paroles sont chantonnées, et l'atmosphère change totalement.


Le groupe enchaîne avec “Antagonist”, puis “Martyrs” et “Lascivious”, confirmant une setlist pensée pour faire voyager l’audience entre intensité et apaisement. Et mention spéciale pour “Unbreakable” et “Memorial”, deux titres qui prennent encore une autre dimension en live. On sent que chaque note est jouée avec intention, presque avec recueillement.
Le concert se termine sur deux moments forts : l’incontournable “Lotus”, véritable hymne du groupe, puis “Violence”, plus sombre, plus torturé, mais tout aussi captivant. Le public, suspendu aux moindres respirations du groupe, savoure jusqu’à la dernière vibration. En quittant la scène, Soen laisse derrière lui un sentiment étrange : celui d’avoir vécu un moment un peu hors du temps.


DARK TRANQUILLITY
Après trois prestations déjà très marquantes, la tension monte encore d’un cran dans la salle. Dark Tranquillity, tête d’affiche de cette tournée Ultima Ratio Fest 2025, fait son entrée. On sent que le public est prêt, qu’on entre là dans le chapitre final d’une soirée déjà bien remplie, et que la suite va se jouer sur le terrain de l’intensité émotionnelle. La scène est redécorée aux couleurs de The Gallery, le deuxième album du groupe, dont on célèbre les 30 ans. L’esthétique est soignée, un véritable hommage visuel à leur passé.
Le groupe ne perd pas de temps, ouvrant avec “Punish My Heaven”, un titre emblématique tiré de The Gallery. Le son est puissant et le groupe affiche une maîtrise absolue, tout en laissant transparaître une sincère émotion comme à chaque fois. Mikael Stanne, fidèle à lui-même, dégage une chaleur communicative et hurle comme en studio il y a trente ans. Le set démarre avec une rythmique d’une précision chirurgicale et des leads tranchants comme à l’époque, une entrée en matière monumentale.
Comme souvent, Mikael n’est pas insensible à la ferveur du public. Il prend le temps de remercier les fans, visiblement ému :
“Thank you for the passion you guys have for so many years.”
Une phrase simple mais sincère, qui résume parfaitement le lien unique que le groupe entretient avec son public depuis trois décennies.


Vient alors “Lethe”. Ce moment donne lieu à un hommage vibrant à Fredrik Johansson (ancien guitariste, disparu en janvier 2022) et à Tomas Lindberg “Goatspell” (disparu en septembre 2025), figure emblématique de la scène suédoise. Dans la salle, le silence est total, suspendu aux mots et à la musique. Puis “The Emptiness From Which I Fed” retentit, rendue encore plus poignante par cette dédicace.
La setlist, différente de celle du Furios Fest cet été, met à l’honneur les deux piliers que sont The Gallery (1995) et Character (2005), célébrant respectivement leurs 30 et 20 ans. La scène adopte d’ailleurs ensuite le visuel de Character, autre clin d’œil appuyé à leur discographie. Les titres “The Dividing Line”, ou encore “The New Build” rappellent à quel point Dark Tranquillity a su marier violence et beauté, technique et émotion, tout au long de sa carrière.
“Through Smudged Lenses” vient ajouter à cette impression d’un set construit comme un voyage, presque narratif. Le public, répond présent à chaque titre, notamment sur “Lost to Apathy” et “Atoma”. Le groupe continue d’alterner moments épiques et passages plus sombres avec “Unforgivable”, “My Negation”, et un “Terminus (Where Death Is Most Alive)” toujours aussi fédérateur. La tension monte encore avec “Misery’s Crown”, qui vient conclure le set dans un déchaînement d’énergie maîtrisée, entre headbangs frénétiques et poings levés.


En quittant la scène, Dark Tranquillity confirme son statut : celui d’un groupe qui a su évoluer sans jamais renier son essence, capable de faire vibrer les nostalgiques comme les plus récents convertis. Ce soir, ils ont livré un concert dense, intense, profondément humain, dans une salle qui, l’espace d’un instant, était en apesanteur. Le Bataclan, debout, les acclame longuement. Et dans l’air, il reste cette impression rare d’avoir partagé un moment suspendu, à la fois intime et monumental — le genre de souvenir qui vous suit bien après la dernière note.
Cette date parisienne du Ultima Ratio Fest 2025 aura tenu toutes ses promesses. Quatre groupes, quatre ambiances, mais une même exigence de qualité, une même sincérité. Iotunn a ouvert la soirée avec sobriété et classe. Equilibrium a électrisé la salle avec leur énergie fédératrice. Soen a offert une parenthèse bouleversante de grâce et de puissance. Et Dark Tranquillity, fidèle à sa réputation, a clôturé la soirée avec une prestation habitée, précise, et marquante.
Merci à Garmonbozia pour l’organisation de cette soirée mémorable.
Un grand merci à Fabian, René, Hati, Aaron et Chris pour leur confiance et sans qui ce concert n’aurait pas été aussi fun !
Report et photos : Stéphanie Morgado (@sekhmet_eve)