La pluie battante du vendredi 25 octobre n’aura pas refroidi l’enthousiasme des fans de heavy et de power metal venus en nombre à l’Élysée Montmartre. L’ouverture des portes, prévue à 17h, s’est faite avec une bonne demi-heure de retard — mais on leur pardonne volontiers : revenir d’Angleterre post-Brexit n’a rien d’une sinécure. À 18h pile pourtant, le timing est tenu : les lumières s’éteignent, la salle continue de se remplir et Majestica fait son entrée.
MAJESTICA

Pour leur toute première date parisienne, les Suédois emmenés par Tommy Johansson (ancien guitariste de Sabaton) ouvrent les hostilités avec “Power Train”, issu de leur dernier album du même nom, Power Train (2024).
Depuis, ils ont également eu l’occasion de fouler la scène de notre prestigieux Hellfest, malheureusement sans que je ne puisse y assister. Cette date parisienne était donc une occasion rêvée de les redécouvrir dans une salle à taille humaine.
Sur un espace scénique assez restreint, Majestica livre un set énergique. Le power metal flamboyant du groupe reste aussi entraînant qu’à l’accoutumée : des mélodies accrocheuses, des solos de guitare épiques et un chant qui résonne avec conviction, j’ai toujours adoré le timbre de voix de Tommy, à la fois clair, puissant et chargé d’émotion.
Le son, un peu brouillon par instants, et un éclairage peu flatteur ne rendent pas toujours justice à leur travail de scénographie. Leur décor, reconnaissable entre mille pour les fans du groupe — que j’avais déjà aperçu lors de leur passage à l’Epic Fest au Danemark — trône à l’arrière-scène sans être réellement mis en valeur.
Mais les quatre musiciens donnent sans compter, toujours souriants et charismatiques, communiquant une énergie positive qui gagne rapidement le public.



L’audience, encore en phase d’échauffement, se laisse volontiers emporter par leurs refrains fédérateurs. Mention spéciale à “Metal United”, hymne irrésistible que beaucoup reprennent en chœur : un final parfait pour lancer la soirée.
Certes, ce n’était pas la prestation la plus marquante que j’aie vue d’eux (celle de l’Epic Fest reste un cran au-dessus), mais l’énergie et la sincérité du groupe conquièrent sans peine le public. Une belle façon de démarrer la soirée avec le sourire, avant l’arrivée de nos zombies tant attendus : Dominum.
Setlist :
Power Train
Night Call Girl
Rising Tide
No Pain, No Gain
Above the Sky
Metal United
Alliance Forever
DOMINUM

Changement d’ambiance radical lorsque la lumière s’éteint à nouveau : place à Dominum ! Je ne vais pas mentir, il s’agit pour moi d’un de mes véritables coups de cœur de l’année. Ce jeune groupe venu d’Allemagne, formé en 2022 autour de Dr. Dead (alias Felix Heldt), s’impose peu à peu sur la scène européenne avec un concept aussi singulier que irrésistible : le zombie metal, un style niche que j’affectionne particulièrement, à l’instar de notre metal zombie français signé Magoyond, un groupe que j’adore aussi. Avec seulement deux albums à son actif (Hey Living People, 2023, et The Dead Don’t Die, 2024), Dominum s’est déjà forgé une identité visuelle et sonore marquante : un metal théâtral, entre heavy et power, porté par une mise en scène soignée et des refrains qui restent en tête.
Je les avais découverts cet été, un peu par hasard, avant de les voir pour la première fois au RockCastle Festival en République tchèque. Ce soir-là, j’avais pris une véritable claque : un show dantesque, des musiciens en place, et surtout ce mélange entre humour macabre et sincérité qui les rend si attachants. Alors, quand la date parisienne a été annoncée, impossible pour moi de passer à côté.

À leur arrivée sur scène, l’atmosphère change instantanément. Le public parisien, déjà bien chauffé, répond présent dès les premières notes ; et visiblement, cela surprend agréablement le groupe. On sent une vraie connexion, amplifiée par la communication constante du chanteur, qui sait trouver le ton juste entre second degré et émotion. Le moment fort restera sans doute son discours avant “We All Taste the Same”, un appel à la tolérance et à l’égalité : peu importe la couleur de peau, les origines ou les croyances, nous sommes tous égaux. Un message fort et bienvenu, dans l’esprit fédérateur qu’on retrouve souvent dans le metal, mais qui mérite toujours d’être rappelé.
Dominum déploie un set solide et parfaitement calibré pour le live, entre morceaux taillés pour l’énergie scénique et surprises théâtrales. L’univers « zombie » se matérialise également visuellement : les quatre musiciens portent des costumes de scène soignés, avec des masques de zombies très travaillés, tandis que le chanteur reste reconnaissable, sans masque, ce qui renforce le lien avec le public et rend le show immersif. Certains pourront trouver la voix du chanteur trop claire pour le genre ; moi, j’adore ce chant maîtrisé, ponctué de montées en puissance dosées à la perfection, qui colle parfaitement à leur identité sonore. Le timbre de Dr. Dead apporte ce petit quelque chose d’unique qui rend le groupe immédiatement reconnaissable. Mention spéciale au batteur, littéralement habité derrière son kit, dont l’énergie amplifie chaque morceau, et au reste du groupe, qui communique avec le public avec une générosité contagieuse. J’aurais peut-être aimé un peu plus de présence de la basse dans le mix, mais ce n’est qu’une préférence personnelle.


Le set enchaîne sans temps mort : “Danger Danger”, “Killed by Life”, “The Dead Don’t Die”, “Frankenstein”, “We Are Forlorn”, “Don’t Get Bitten by the Wrong Ones”, une reprise survitaminée de “Rock You Like a Hurricane” des Scorpions, “We All Taste the Same”, “The Chosen Ones”, et pour conclure, “Immortalis Dominum”. La salle explose alors dans une ambiance euphorique : le public acclame. Difficile de rester objective quand on est déjà conquis, mais ce concert confirme ce que je pressentais depuis des mois : Dominum fait partie de ces jeunes formations qu’on a envie de suivre de très près. Entre un concept original, une sincérité palpable, une identité visuelle marquée et une générosité scénique, ils ont tout pour s’imposer durablement sur la scène metal européenne.
BATTLE BEAST

La tête d’affiche tant attendue de la soirée fait enfin son entrée : Battle Beast !
Formé à Helsinki en 2008, le groupe s’est imposé comme l’un des porte-étendards du heavy/power metal finlandais, reconnu pour ses refrains fédérateurs, son sens du spectacle et, surtout, la puissance vocale de sa chanteuse Noora Louhimo, véritable véritable pilier et voix emblématique du groupe depuis 2012. Leur musique, à la croisée du heavy metal traditionnel et de l’énergie du hard rock des années 80, mêle riffs tranchants, claviers flamboyants et mélodies épiques. Cette tournée défend leur tout dernier opus, Steelbound, paru le 17 octobre 2025, un album qui marque une nouvelle étape dans l’évolution du groupe.
Dès les premières notes de “Straight to the Heart”, on sent qu’on est monté d’un cran. Le son est impeccable, la lumière somptueuse : chaque détail visuel et sonore est parfaitement maîtrisé. La prestance de Noora Louhimo irradie littéralement la scène ; son charisme naturel et sa voix puissante, légèrement vintage à la Doro, captivent instantanément. Elle impose le respect, mais aussi la complicité : chaque regard, chaque sourire adressé au public renforce cette impression d’assister à un véritable show, millimétré mais sincère.

La setlist est généreuse et équilibrée : “Straight to the Heart”, “Master of Illusion”, “Last Goodbye”, “Here We Are”, “No More Hollywood Endings”, “Eye of the Storm”, et “Blood of Heroes” s’enchaînent sans faiblesse. Le moment le plus inattendu arrive lorsque le groupe se lance dans une reprise pleine d’humour et d’autodérision du classique d’Elton John, “Can You Feel the Love Tonight” : un instant de légèreté savoureux, d’autant plus amusant lorsque le guitariste tente de chanter en français, au grand plaisir du public.
Le concert monte en intensité avec “Where Angels Fear to Fly”, “Watch the Sky Fall”, “Twilight Cabaret”, “Bastard Son of Odin”, “Angel of Midnight”, puis “Steelbound”, titre phare du nouvel album. La fosse devient alors un véritable champ de bataille : un mosh pit s’improvise au centre, à la grande surprise du groupe, visiblement amusé par l’enthousiasme du public parisien. Il faut dire que le public français est réputé pour son énergie, et Battle Beast en a fait l’expérience ce soir.
Le groupe enchaîne avec “Eden”, précédée d’une intro où Noora apprend au public le refrain, pas difficile, enfin… presque ! La foule joue le jeu et reprend à pleins poumons. Entre un mini wall of death qui éclate et des danses improvisées au fond de la salle, l’ambiance est électrique, joyeuse et résolument festive.




Petit moment de pause avant le rappel, où guitare et clavier entament un solo en duo pour introduire “The Long Road”, ponctué d’une scène insolite : le claviériste descend cul sec une bouteille de bière, encouragé par son acolyte guitariste et un public hilare. Même une brève reprise du thème de Star Wars s’invite dans la fête !
Lorsque Noora revient sur scène, l’atmosphère se charge à nouveau : elle s’avance lentement vers le public, presque solennelle, avant de lancer d’une voix puissante : “Are you ready to scream ?!” — et Paris rugit en réponse. “King for a Day” et “Wings of Light” concluent un concert spectaculaire, porté par une interprétation sans faille et une énergie contagieuse.
“PARIS, you will always be in our hearts !” lance Noora avant de quitter la scène, visiblement émue. Une fin parfaite pour une soirée qui aura tenu toutes ses promesses.
La pluie automnale frappait Paris, mais à l’Élysée Montmartre, la ferveur du metal réchauffait les cœurs et les corps. Trois groupes, trois univers, une seule soirée mémorable où la passion, la puissance et la générosité se sont donné rendez-vous. La salle a vibré, les fans ont chanté, crié, vécu — et c’est bien tout ce qu’on aime dans le metal : cette chaleur humaine, brute et sincère, ce lien qui nous rassemble.
Et ce n’est pas fini : de très belles dates attendent encore les metalheads dans la capitale jusqu’à la fin de l’année !
Photos et Live Report : Stéphanie Morgado (@sekhmet_eve)
