Il est à peine 18h ce mercredi 28 mai, quand une très longue file d’attente se forme devant le Zénith de Paris. Les plus courageux sont là depuis 12h pour avoir une chance d’être au premier rang. Ce concert qui affiche complet, s’annonce comme l’un des plus attendus de la tournée UK & Europe 2025 de BABYMETAL. Accompagnées par Poppy, leur acolyte américaine habituée aux hybrides musicaux, et la sulfureuse Bambie Thug, fraîchement révélée par l’Eurovision 2024 pour l’Irlande, les Japonaises promettent une nuit inoubliable.

Bambie Thug fait exploser les codes
La soirée débute avec Bambie Thug, artiste irlandaise non-binaire révélée lors de l'Eurovision 2024. Bambie Thug, de son vrai nom Bambie Ray Robinson, crée un mélange audacieux de rap, d’électro-pop, de dark cabaret et de métal viscéral. Mais je préfère reprendre ses mots, Bambie utilise le terme “ ouija-pop/hyper punk ” pour décrire sa musique.
Bambi fait fi des normes et incarne une esthétique queer, libre et brutale en entrant sur scène. Dès les premières notes d’un de mes titres préférés " Hex So Heavy ", une ambiance tribale s’installe, portée par deux danseurs arborant un masque tentaculaire noir latex, aux mouvements envoûtants, Robinson ensorcèle en un instant le Zénith. La tension monte avec le titre " Egregore ", où Bambie tombe sa veste en fourrure noire, intensifiant l'atmosphère rituelle. Le public, déjà conquis, répond avec ferveur à chaque sollicitation. La douce intensité de " Last Summer (I Know What You Did) ", que l’on retrouve dans son premier album Catherix, plonge la salle dans une transe collective, les cris et acclamations fusionnant avec cette performance résolument électro. Puis vient " Bye Boy ”, le rap sexy et les beats lourds accompagnés d'une chorégraphie suggestive, un brin provocante, font encore monter la température. Mais vient " Careless " pour nous offrir un moment plus atmosphérique. La fin marquante a vu les danseurs s’embrasser puis se repousser, écho scénique aux paroles.
Bambie prend le temps de nous adresser un message fort : " You are perfect as you are ", avant de nous présenter un morceau inédit, pas encore officiellement sorti : il s’agit de " Redrum Rave ". On découvre un titre qui mêle des éléments d’un métal que j’adore : le métal industriel mais aussi d'électro, de rap – me rappelant légèrement le son de Marilyn Manson – c’est une véritable claque ! Les cris gutturaux de Bambi sont exceptionnels. Fidèle à son engagement politique, cette chanson se termine par un cri politique sans filtre : " Free Palestine ! Fuck this world ! ".
" Doomsday Blue " et " Tsunami (11:11) " viennent clôturer le set avec un dernier déchaînement techno-rap et un final intense. Un simple " merci " et Bambie disparaît, laissant derrière elle une prestation sans concessions, cathartique et viscéralement authentique.
Setlist :
1. Hex So Heavy
2. Egregore
3. Last Summer (I Know What You Did)
4. Bye Boy
5. Careless
6. Redrum Rave
7. Doomsday Blue
8. Tsunami (11:11)
Poppy
Après la prestation envoûtante de Bambie Thug, l'attente monte d'un cran dans la salle. Les lumières s'éteignent, et une ambiance électro saturée envahit le Zénith. L’Américaine Poppy, maîtresse des fusions pop-métal, monte sur scène avec ses musiciens cagoulés, façon commando.
Dès les premières notes de " Have You Had Enough ? ", le public est en transe, réagissant avec ferveur à chaque riff et surtout à chaque scream de Poppy.
Le Zénith se met à chanter en chœur sur le début de " V.A.N ", ce titre mêlant le talent de Bad Omens et de Poppy, déclenche des envies de pogos dans la fosse. " The Cost of Giving Up " et " Scary Mask " maintiennent l'énergie, avec un wall of death spontané, des circle pits et des pogos qui s'enchaînent, le public parisien fait honneur à la performance techniquement irréprochable de Poppy. Cependant elle semble enfermée dans son rôle, offrant une prestation visuellement très énergique mais émotionnellement froide. Son interaction avec le public est minimale, se limitant à quelques remerciements. Son hit emblématique " I Disagree " est accueilli sans surprise avec ferveur mais le point culminant du set est atteint avec le morceau " Concrete ". Poppy réclame un circle pit pour démarrer le titre et le public s’exécute immédiatement, ce qui nous offre enfin une chanteuse souriante face à ce déchaînement d’énergie sincère. Puis elle quitte la scène pour laisser le guitariste briller lors d'un solo final magistral, apportant une touche de virtuosité à l'ensemble.
Le concert se conclut avec " New Way Out ", un titre puissant qui déclenche un dernier wall of death massif et les derniers cris de joie pour une performance visuellement impressionnante et musicalement irréprochable dans l’ensemble. Un remerciement sobre et Poppy quitte la scène en courant, sans un regard en arrière, laissant un public en admiration. Malgré l’énergie impressionnante qu’il s’est dégagée ce soir, le show m’a laissé une impression de distance.
Setlist :
1. Have You Had Enough ?
2. V.A.N (Bad Omens cover)
3. The Cost Of Giving up
4. Scary Mask
5. I Disagree
6. Concrete
7. New Way Out
Le changement de plateau aurait pu nous offrir une pause bien méritée…mais c’était sans compter sur une playlist minutieusement choisie pour bien maintenir l’ambiance. Entre Limp Bizkit, Korn, Rammstein ou encore System of a Down, nous n’avons émotionnellement pas une seconde de répit, tant les bangers s'enchaînent. Les titres sont chantés en chœur par toute la salle. Et on s’y attendait, un pogo sauvage apparaît sur “Chop Suey !” créant une ambiance électrique avant même l'arrivée tant attendue de BABYMETAL.
BABYMETAL – La tornade kawaii-métal plus que jamais au sommet

Depuis leurs débuts en 2010, les Japonaises de BABYMETAL n'ont cessé de réinventer la scène heavy en y injectant de la J-Pop, tradition japonaise et modernité avec une maîtrise impressionnante. Ce soir, elles reviennent dans la capitale défendre une setlist explosive, agrémentée de plusieurs collaborations prestigieuses. Le Zénith de Paris se transforme en sanctuaire du Dieu Renard pour une soirée, qui je suis sûr, sera mémorable. Deux ans après leur passage en tête d’affiche à l'Olympia, puis au Hellfest en 2024, où elles avaient déjà conquis un public massif, le trio japonais confirme son ascension fulgurante, remplissant désormais des salles de plus grande envergure. Ce concert au Zénith, en tant que headliner, marque une étape importante dans la carrière de BABYMETAL en France.
Les lumières se tamisent enfin, laissant éclater les cris de joie. Le Zénith bascule dans une autre dimension. Une voix divine narre leur incontournable introduction tandis que l’écran géant s’embrase d’images mystiques. Les silhouettes de Su-Metal, MoaMetal et Momometal émergent telles des entités divines avec le titre " BABYMETAL DEATH " déclenchant une explosion d'énergie dans la salle. Des gerbes de pyrotechnie éclatent en rythme avec les percussions martiales. Le public, bras dressés en forme de kitsune (renard en japonais) déborde d’énergie. Cette introduction théâtrale millimétrée, visuellement renversante, plante le décor du show.

Les classiques s'enchaînent : " Megitsune " avec ses riffs tranchants dont le public chante les paroles en chœur et déclenche les premiers crowdsurfing de la soirée, “ PA PA YA !! “ tellement festif, transforme la fosse en dancefloor survolté, et " BxMxC ", fusion parfaite de styles aux accents rap bien dosés, n'en finit pas de déclencher des pogos.
“ METALI !! ” est l’un des moments les plus galvanisants du concert. Introduit par une performance exceptionnelle du Kami Band. Les musiciens ont l'occasion de briller individuellement à travers des solos de guitare et de batterie, mettant en valeur leur virtuosité, leur présence scénique et renforcent la dynamique du concert. Lorsque les chanteuses entrent sur scène, “ METALI !! ” devient un moment de fête pure. Ce titre en collaboration avec le talentueux Tom Morello fait fusionner l’univers exubérant de BABYMETAL avec une rythmique explosive et une énergie brute, provoquant une montée en tension euphorique où la foule saute, crie, et se laisse porter par la cadence effrénée. Su-Métal invite le public à s'accroupir avant de lancer un saut collectif, déclenchant une vague d'énergie qui submerge la salle. La communion entre le groupe et le public est parfaite. À l’arrière-plan, un clip mettant en scène Tom Morello est projeté sur le grand écran, ajoutant une couche d’intensité et de puissance visuelle à la performance.
C’est là que j’ai l’impression d’avoir raté un épisode dans la série des collaborations BABYMETAL. Je connais le titre “ Bekhauf ” en collaboration avec Bloodywood, mais " Kon! Kon! ", c'est une surprise pour moi. Dès les premières notes, je découvre une fusion entre l’énergie explosive de leur métal japonais et les sonorités traditionnelles indiennes caractéristiques de Bloodywood ; et la recette fonctionne ! La salle plonge dans une ambiance festive et puissante. Un clip met en scène les interventions de Raoul Kerr, apportant une touche rap énergique, et de Jayant Bhadula. Les voix de Su-Metal et Jayant s'entrelacent et s'alternent entre chants mélodiques et passages plus agressifs, créant une alchimie musicale unique.
Pour le titre suivant, cette fois pas de surprise, j’avais vu l’information passer. " Song 3 " fusionne l'univers kawaii métal de BABYMETAL avec la brutalité caractéristique du groupe russe Slaughter to Prevail. La voix gutturale d'Alex Terrible contraste avec les mélodies aériennes de Su-Metal, créant une dynamique saisissante. Les riffs de guitare acérés et les percussions martelées, renforcent cette atmosphère oppressante, tandis que les éléments électro apportent une touche moderne à l'ensemble. L’alliance est inattendue, mais fonctionne : on est emporté par l'énergie brutale déployée !
Ces nouveaux titres sont géniaux et illustrent encore une fois la capacité de BABYMETAL à repousser les frontières musicales, en s'associant à des artistes aux univers contrastés, tout en offrant une expérience scénique unique et mémorable. Le public est conquis. Le set se poursuit avec le nostalgique mais toujours aussi efficace “ Headbangeeeeerrrrr!!!!! ” puis l’un de mes featuring préférés : "RATATATA", en collaboration avec Electric Callboy, déclenche une explosion d’énergie !
Le final vire à l’apocalypse joyeuse, lorsque retentissent les premières notes de " Gimme Chocolate!! ". Véritable hymne de BABYMETAL, le titre fait littéralement exploser le Zénith : la fosse se déchaîne et les slammeurs fusent. La chanson emblématique soulève une euphorie collective, prouvant à quel point elle est cultissime.

Un court moment de flottement précède l’ultime salve. La tension est palpable, dans les gradins comme dans la fosse, on scande avec ferveur le nom du groupe. Les murs vibrent, les gradins tremblent : le Zénith est sur le point d’exploser. C’est alors que résonnent les premières notes de " from me to u ", ce titre installe une atmosphère plus introspective. En collaboration avec Poppy, je dois avouer que j’aurais aimé que notre américaine accompagne notre trio de Japonaises sur scène pour l’interprétation de ce titre. Portée par des milliers de lumières de téléphones scintillant dans la pénombre, la voix cristalline de Su-Metal s’élève, limpide et pleine d’émotion, offrant un moment suspendu durant l’interprétation de " KARATE ". Puis tout bascule à nouveau. La salle se teinte de rouge, " Road of Resistance " s’abat comme un dernier cataclysme provoquant un dernier wall of death. La pyrotechnie crache ses flammes au rythme des riffs furieux. Les slammeurs jaillissent de toutes parts, portés par une foule frénétique. Je remarque que plusieurs cadeaux volent vers la scène et sont récupérés avec un sourire complice. Su-Metal, MoaMetal et Momometal brandissent des drapeaux BABYMETAL aux couleurs tricolores, clin d’œil vibrant au public français – “ Merci beaucoup Paris ! ” crie Su-Metal avant que le groupe tire sa révérence. Le public hurle jusqu’à la dernière seconde.
En quittant la salle, une chose est certaine : BABYMETAL n'est plus une curiosité, mais une force incontournable de la scène métal internationale.
Setlist :
1. BABYMETAL DEATH
2. Megitsune
3. PA PA YA!!
4. BxMxC
5. METALI!! (preceded by KAMI Band solos)
6. Kon! Kon! (BABYMETAL & Bloodywood song)
7. Song 3 (BABYMETAL & Slaughter to prevail song)
8. Headbangeeeeerrrrr!!!!!
9. RATATATA (BABYMETAL & Electric Callboy song)
10. Gimme Chocolate!!
Encore :
11. from me to u
12. KARATE
13. Road of Resistance
Trois univers, trois performances uniques, et une soirée que je ne suis pas près d’oublier. Le Zénith vibrait avec énergie. J’ai eu l’impression de vivre quelque chose de plus grand que de simples concerts : une communion, une célébration de tout ce que le métal peut être, dans sa diversité, sa folie et sa beauté brute. Une soirée qui rappelle à quel point le métal, sous toutes ses formes, est plus vivant que jamais.
Texte : Stéphanie Morgado (@sekhmet_eve)
Photos : Jérome Meyer