Nous avons eu la chance de nous entretenir avec Matt Walst pour parler, entre autres, d'Aliénation, le nouvel album de Three Days Grace qui est assez inédit car il signe le retour du chanteur originel, Adam Gontier, au sein de la formation.
Interview par Annaëlle Moss
Pour commencer, comment vas-tu ?
Je vais bien ! Je profite d’un petit break chez moi, ça fait du bien d’avoir un peu de repos. On se prépare pour la tournée avec Breaking Benjamin à travers les Etats-Unis dans quelques semaines.
Eh oui, parce que votre nouvel album, Aliénation sort la semaine prochaine ! Quelle est l’histoire de cet album ?
Eh bien, c’est un album important parce Adam [Gontier ndlr] est de retour dans le groupe, et nous avons donc deux voix au chant sur cet album. Nous avons commencé à travailler dessus il y presque trois ans, et on s’est éclatés à le composer et à le produire, j’espère qu’on aura l’occasion d’en sortir un autre !
Que signifie le terme « Aliénation » pour toi ?
Tu sais, aujourd’hui avec les réseaux sociaux, parfois tu es sur ton téléphone et tu te sens connecté à tout le monde mais ça peut aussi te donner l’impression d’être encore plus seul. C’est un petit peu un fil rouge de Three Days Grace, ce sentiment de solitude, mais tu dois avancer vers des jours meilleurs, ces moments-là ne durent pas éternellement.
Tu as mentionné le retour d’Adam dans le groupe, et personnellement, je trouve que vos deux voix fonctionnent vraiment très bien ensemble, je pense notamment au titre « Another Relapse ». Peux-tu nous parler un peu de son retour ?
Son retour a été super bien accueilli durant les lives qu’on a faits ensemble, on s’est vraiment amusés et ça amène une énergie nouvelle au sein de Three Days Grace ! On a en quelques sortes bouclé la boucle et c’est top !
Et de manière plus terre à terre, comment s’est organisé ce retour ? Il voulait revenir et vous en avez discuté ?
En fait, j’en ai parlé à mon frère [Brad, le bassiste ndlr] il y a des années, et du coup, ils se sont mis à discuter du sujet tous les deux. Adam était partant et voilà, nous y sommes !
Est-ce que c’est compliqué pour toi de partager le chant après plusieurs années à occuper le poste seul ?
Non, c’est génial ! Je travaille sur des harmonies que je n’ai jamais explorées avant sur les anciennes chansons, sur les nouvelles il fait les harmonies, il joue de la guitare et il prend le lead et c’est franchement un rêve devenu réalité d’être tout les deux face au public !
Et tout ça se fait naturellement, même sur des chansons écrites quand tu étais le seul chanteur ?
Oui, c’est super naturel. Il discute parfois quelques points, notamment quand on a commencé à répéter, mais tout s’est mis en place naturellement. Ça n’a pas été difficile du tout.
Repassons sur l’album. Three Days Grace est particulièrement connu pour ses paroles poignantes et son rôle d’exutoire de sentiments qu’on a tous traversés dans nos vies. Au sein d’Aliénation, on remarque que certains titres sont plutôt des visions du monde dans lequel nous vivons, je pense notamment à « Mayday » ou « Alienation ». Comment trouvez-vous l’équilibre dans vos compositions entre sentiments personnels et revendications sociales fortes ?
On a toujours écrit sur les vraies choses, et je pense que c’est une partie de ce qui fait le succès de Three Days Grace, d’écrire avec le cœur à propos de ce qu’il se passe autour de nous, et les gens peuvent s’identifier à ces paroles, se mettre dans ces situations et ressentir la chanson. Et je crois que c’est ce qu’on a toujours fait avec succès.
Et concernant les compositions plus tournées vers le monde autour de nous, qu’est-ce qui vous met plus particulièrement en colère ? Quelles sont ces choses que vous voulez dénoncer ou au contraire les valeurs que vous voulez défendre ?
Les dernières années ont été un peu étranges, on ne savait pas bien qui était aux commandes, si seulement il y avait quelqu’un ! Et donc on se posait plein de questions. Je ne crois pas qu’il y ait de colère à proprement parler, c’est plus un constat de ce qu’il se passe.
On remarque d’ailleurs que plusieurs titres sont écrits à la troisième personne. Est-ce que c’est une volonté pour symboliser une communauté avec vos fans ?
Absolument, on est dans le même bateau !
Parlons un peu de vos processus créatifs. On entend des contrastes francs au sein de cet album, allant de titres aux riffs cinglants tels que « Deathwish » ou « In Cold Blood » à des morceaux plus calmes comme « Don’t Wanna Go Home Tonight ». Comment choisissez-vous le ton que vous allez donner à un morceau ?
On fait un peu ce qu’on a envie de faire à ce moment-là. On écrit ce qu’on veut, parfois ce n’est pas réfléchi en amont, on lance un truc et parfois ça donne quelque chose et on voit si on le garde ou non. Il n’y a pas vraiment de process en amont, on ne se dit pas : OK, aujourd’hui on doit écrire une chanson puissante ! À la fin de l’album, ça finit par fonctionner, certaines chansons sont plus légères, d’autres sont plus puissantes. Et je trouve que ça rend l’album dynamique !
Et comment est-ce que vous choisissez l’ordre des titres ?
Mon frère Brad, le bassiste, est très bon à ça. Il fait les setlists et choisit l’ordre des titres des albums. Du coup, on le laisse faire, et je crois qu’on a dû faire quelques modifications après qu’il ait arrangé l’album.
Ça doit être compliqué de construire une setlist quand on a autant de hits que Three Days Grace, non ?
Oui, c’est de plus en plus compliqué à mesure que le temps passe parce qu’il y a tellement de chansons ! Mais il [Brad ndlr] est très bon à ça, et il y a des chansons que tu ne peux pas ne pas jouer, comme « Never Too Late » ou « I Hate Everything About You ».
Quand vous écrivez une nouvelle chanson, par quoi est-ce que vous commencez ? Les paroles, l’instru, ça dépend ?
Ça dépend ! Certaines chansons sont composées sur la base d’un riff de guitare, parfois c’est les paroles ou le titre, et certaines chansons sont construites sur une mélodie, donc on créé de plein de manières différentes.
Est-ce que certains d’entre vous sont plus à l’aise sur l’écriture que d’autres ?
On participe tous à l’écriture des paroles et des mélodies, Neil est très bon pour les mélodies et les paroles, et évidemment la batterie, Brad est très bon sur les paroles… On a tous quelque chose à apporter.
Quelle est ta chanson préférée de Three Days Grace ?
Ouh, c’est une question difficile qu’on m’a déjà posée quelques fois !
Tu peux m’en donner deux ou trois si tu veux !
Je pense que pour les chansons que j’ai co-écrites, je dirais « I Am Machine ». Quand on a écrit cette chanson, je savais qu’elle était spéciale. Il y a des titres que tu écris parfois et tu te dis : « Ça va être vraiment bien », et ça a été le cas pour celle-là ! Et sinon, « I Hate Everything About You » et « Home » sur le premier album. Je me souviens d’avoir écouté les demos qu’Adam avait apportées et m’être dit que ça allait être des gros morceaux pour eux. Et d’entendre les démos et de voir ce qu’ils en ont fait, c’était vraiment cool. J’ai co-écrit « Scared To Let You Down » sur cet album, et c’était à peu près à l’époque où j’ai décidé que je voulais vivre de la musique et où j’ai commencé à écrire des chansons et à suivre ma propre voie.
Est-ce que tu imaginais ta vie comme ça à 10 ans ?
Non, pas du tout. J’ai grandi dans une petite ville de 1300 habitants, donc vivre de la musique et jouer dans un groupe de rock, ça semblait vraiment très loin. Je ne sais pas ce que je voulais faire quand j’avais 10 ans, mais quand j’en avais 14 ou 15, je voulais être dans un groupe et j'ai commencé à chanter, à écrire et à jouer de la guitare.
D’accord ! Et du coup, tu as monté un groupe et les choses ont commencé à prendre de l’ampleur ?
J’ai monté mon premier groupe au lycée, et puis j’ai déménagé à Toronto quand j’avais 21 ans, et c’est à ce moment-là que j’ai vraiment commencé à suivre cette voie et à me focaliser sur la musique.
Et en regardant en arrière, quel est ton meilleur souvenir en lien avec ton parcours musical ?
Il y en a plein ! Par exemple, me pointer à la maison du chanteur de Nickelback quand j’avais à peu près 24 ans, ça c’était assez fou.
Wow !
Oui ! Je suis allé chez lui et j’ai commencé à écrire mon premier album, ce qui était dingue. Au Canada, tu pouvais voyager sans passeport à l’époque, tu pouvais prendre l’avion avec ton permis de conduire. Donc j’ai pris l’avion jusqu’à la maison de Chad Kroeger, et je me souviens d’avoir appelé ma mère pour lui demander de m’envoyer mon passeport par Fedex parce que je devais prendre un jet privé jusqu’à Las Vegas et Los Angeles ce weekend-là. Ma mère était là : Quoi ?! Tu vas prendre un jet privé ?!
Ce genre de choses, c’était assez fou. Et jouer dans les gros festivals, je me souviens du premier, Rock On The Range en Ohio avec quelque chose comme 30 000 personnes en 2014. J’ai eu l’impression de flotter en dehors de mon corps pendant un moment, à me dire : mais c’est incroyable, regarde tous ces gens… Toutes ces choses que tu n’imaginais pas vivre quand tu avais 16 ans.
Et en se tournant vers l’avenir, quel est ton objectif en tant qu’artiste ?
De continuer à faire de la bonne musique et à jouer autour du monde. C’est toujours génial d’aller jouer dans plein d’endroits, par exemple cette fois nous jouons en France et je ne suis jamais allé en France !
Vraiment ?
Disons que je l’ai traversée, genre, j’ai vu le changement d’opérateur sur mon téléphone, mais je ne me suis pas arrêté. Donc, oui, de jouer dans des endroits où nous ne sommes jamais allés, par exemple les gars sont allés en Australie par le passé et j’aimerais vraiment beaucoup aller là-bas et en Nouvelle-Zélande.
On a hâte de vous voir en France ! D’ailleurs, une deuxième date a été ajoutée parce que la première a été sold-out rapidement. Comment tu vis ce genre de choses ?
C’est fou ! On a vraiment hâte de jouer en France !
J’aime bien demander aux artistes leur avis sur les têtes d’affiche émergentes, particulièrement celles qui divisent un peu au sein des metalheads comme Sleep Token par exemple. Qu’est-ce que tu penses de ces groupes qui cassent les codes ?
Je pense que c’est super ! C’est bon pour le rock et le metal, j’ai entendu dire que le public n’a jamais été aussi nombreux pour notre style musical que maintenant. Ces groupes comme Sleep Token, Ghost, Bring Me The Horizon, ils sont très doués !
Certains ont peur que ces nouveaux groupes déforment ce qu’est le metal…
C’est juste l’évolution des choses ! J’ai le sentiment que tous les genres de musique sont en train de s’amalgamer, par exemple la country évolue beaucoup, le metal aussi. Un de mes groupes préférés, et un des groupes qu’on écoute avant de monter sur scène est Electric Callboy, et les mecs s’éclatent, ils ne se prennent pas au sérieux et ils combinent de la dance, de la pop, du metal, tous ces genres et c’est génial ! Je pense que tout le monde ouvre un peu ses horizons musicaux et c’est super.
Est-ce que c’est quelque chose que vous aimeriez faire au sein de Three Days Grace, aller sur des sonorités un peu différentes ?
Je pense qu’on le fait un peu sur cet album. On prend un virage un peu plus moderne en termes de sonorités, et on est toujours ouverts à l’idée d’essayer des choses différentes !
Tu parlais de groupes que tu aimes, quel est le premier groupe que tu as écouté ?
Le premier album que j’ai acheté était de Faith No More. J’écoutais beaucoup de Marylin Manson, de Rammstein, Ozzy devait être un des premiers aussi. Le premier riff que tu apprends, c’est Crazy Train.
Et ton groupe préféré ?
Ouh, difficile. J’ai grandi dans l’ère du nu metal, Limp Bizkit, Korn, Slipknot, tous ces groupes ont eu une grande influence sur moi.
Le mot de la fin pour vos fans français ?
On se voit bientôt, merci pour toutes ces années de soutien, c’est génial d’enfin venir vous voir et de jouer pour vous !
Three Days Grace sera en tournée européenne en fin d'année avec deux passages à Paris :
- 6 Décembre au Trianon
- 15 Décembre au Bataclan