26/11/2025

L’appel de la meute : rencontre avec les Tambours du Bronx

Entre esprit metal assumé, collaborations inattendues et logistique de troupe de choc, Les Tambours du Bronx reviennent sur une aventure artistique aussi explosive que décomplexée. Autour de Dom, Renato et Thierry, la “meute” évoque la création d’Evilution et de son prolongement Wild Pack, la vie au sein d’un collectif tentaculaire, les défis de la scène et leurs rêves de collaborations folles. Une discussion sans filtre, drôle, sincère, parfois absurde — exactement à l’image du groupe. Nous les avons rencontrés dans les coulisses de leur date à l'Olympia, en première partie de Sidilarsen.

Alors comment ça va déjà ?

Renato Ça ne peut pas aller bien mieux.

Dom Ouais, c’est cool !

Renato Dans ce lieu !

Dom Pour bien faire, une petite sieste, ce serait bien, mais bon !  [Rires]

Renato Mais tu pourrais vraiment ?

Dom Non, non, je suis pas sûr !

Renato Ah ouais, moi non, plus, pourtant j’aime dormir, mais pas là ! (Rires]

Alors, on va attaquer. Donc, il y a eu un virage metal qui a été concrétisé, on va dire, en 2018, mais entamé bien avant. Là, vous allez rester dans cette lignée ou est-ce qu'on ne sait, pas, une prochaine fois vous allez faire de la samba ou autre chose ?

Dom Tu veux y aller ?

Thierry Non, mais je connais la réponse, c’est pour ça que c’est bien ! [Rires]

Dom En fait, il n'y a pas réellement eu un virage metal, ça a failli être une parenthèse. En 2018, on s'est dit qu'on allait faire ce truc parce qu'on a toujours eu envie de le faire, on avait peur de le faire, mais avec Sepultura, on avait vu que ça marchait.

Thierry On avait déjà essayé, il y a quelques années aussi. Mais ça n'avait pas bien marché.

Dom Oui, c'était trop tôt, on avait essayé de mettre des guitares et ça ne marchait pas. Mais bon, ce n'était pas très bien travaillé, c'était trop tôt. Il y a des périodes comme ça. Donc, il y avait cette frayeur de : "ça ne marchera jamais, on lâche l’affaire". Avec Sepultura, on a vu que ça marche. En 2018, on s'est dit, allez, on le fait. Mais c'était une parenthèse, ce n'était pas vraiment un virage. On s'est dit :"on se fait un album comme ça, on prend des risques, tant pis, au moins, on se fait plaisir. On voit ce que ça donne et on revient après à la formule classique". En fait, on y a pris goût, ça a fonctionné et on a gardé la formule metal. Mais on a continué en parallèle avec la formule classique. En fait, ce n'est pas vraiment un virage parce qu'on a les deux qui tournent conjointement. Les promoteurs et les programmateurs font leurs courses. Ils disent : « Moi, je veux le show classique… », « Non, moi, je veux des guitares…. ». Il y en a même qui choisissent le chanteur des fois sur le catalogue.

Renato C'est vrai en plus, c'est déjà arrivé ! Vu qu'il y a un catalogue de chanteurs, puisqu’on est 4, voire 5, il y en a même qui se permettent de dire : « Oh, j'aimerais bien ces deux chanteurs-là, moi ». On peut tout faire, de toute manière !

Dom Et là on dit, non, il n'y en a aucun disponible ! [Rires]

Renato Ça, ça peut arriver aussi ! [Rires]

Si vous pouvez tout faire, peut-être bientôt une troisième branche avec une version K-pop ou quelque chose comme ça, on ne sait pas ! [Rires généraux]

Thierry Je ne crois pas. Quand même, au départ, nous, on vient du rock. On a toujours été... On a fait des percussions parce que c'était quelque chose d'original, au départ. Ça devait être un one-shot. Mais on vient tous un peu du rock'n'roll.

Dom On n'a pas l'intention de faire une version reggae ou une version K-pop. Par contre, on a toujours été ouverts musicalement. On est ouverts sur des featurings. On peut faire des featurings improbables. À partir du moment où, humainement, ça colle avec quelqu’un…

Renato On va parler, typiquement de Dope D.O.D., ce n'est pas rock'n'roll.

Dom Dope D.O.D, c'est du hip-hop !

Renato Et ça marche de ouf !

Dom On a toujours été branchés hip-hop. On s’est toujours dits qu’on avait envie d’en faire. On a l'occasion de le faire avec Dope D.O.D…

Renato Oui, pour ceux qui ne savent pas, on va peut-être expliquer ! Sur Evilution, le deuxième album de cette formation-là, il y a un morceau en featuring avec Dope D.O.D., qui n’est pas du tout dans le metal, mais qu’on affectionne tous. Donc, c'était trop bien de le faire avec eux. Et ça matche de fou, ce titre matche de ouf. Donc les tambours ne s'interdisent pas grand-chose, en vrai.

Dom Sauf le reggae.

Renato Avec plaisir ! [Rires généraux]

Thierry Oui, on peut faire des trucs improbables, mais pas tout non plus., quoi ! [Rires]

Il y a le EP qui est sorti fin septembre. Visuellement, il reprend les codes de la pochette d'Evilution. Sur le coup, quand ça a poppé et que j’ai vu marqué « nouveauté », je me suis dit : « Ben, c’est pas nouveau ! ». Puis, j’ai mieux regardé et j’ai réalisé que si. Pourquoi cette volonté ? C'est une réponse ? C'est une continuité ?

Dom C'est la fin de l'album, en fait. On avait composé énormément de morceaux. On a fait du tri. On en a jeté pas mal avant d’entrer en studio, mais on en a quand même enregistré beaucoup trop. C’est-à-dire qu’on a enregistré tous ceux qui nous plaisaient vraiment.

Renato Et il y avait de quoi faire un double-album, en fait.

Dom On savait qu'on allait utiliser quelques titres plus tard. On ne savait pas exactement quand, ni comment. Et visuel de l'album Evilution, le visuel complet, c'était pas un carré de CD, c'était le rhino, face aux hyènes. Et ça nous arrangeait, parce qu’on savait déjà qu'on aurait un visuel rhino et un visuel hyènes pour la fin de l'album. Donc, on est sur la fin de l'album.

Renato On voulait éviter de sortir un double album, plutôt indigeste, puisqu’au aujourd’hui presque plus personne n’écoute déjà un album entier, alors un double, merci ! Mais, attention, ce Wild Pack, c'est pas du tout des faces B. C'est pas des morceaux qu'on ne voulait pas mettre. C'est pas du remplissage du tout. C'est des morceaux qu'on adore, sauf qu'il n'y avait pas la place de les mettre sur l'album et que ça nous aurait trop fait chier de ne pas les sortir. On les a sortis, et ce ne sont pas du tout des faces B. Et d’ailleurs, y a vraiment des trop de bons titres. On les a encore testés hier en live et on a hâte de se les manger sur le plateau.

Là, vous avez pratiquement mis tout ce que vous aviez composé à la base, ou il en reste encore ? Et si c'est le cas, comment s'est fait le choix ?

Thierry Oh, y en a encore assez pour une bonne dizaine d’années, je crois ! [Rires généraux]

Dom Non, mais y en a quelques-uns qui ont pas encore été enregistrés et qui auraient mérité.

Thierry Oui, il en reste.

Renato Il en reste, mais peut-être bien qu'on va repartir sur quelque chose… sur de la fraîcheur.

Dom Oui, certes, mais il y a quelques morceaux qui méritent.

Renato Oui, oui, il y a quelques morceaux qui méritent, je suis d'accord avec toi.

Thierry Mais j'aimerais leur donner un coup de fraîcheur aussi.

Renato Bien sûr ! Une bonne coupe de cheveux !

Dom J’aime pas trop que tu parles de cheveux…

Renato Je sais, c'est pour ça ! [Rires généraux]

Et pour tout ce qui est les versions alternatives, les remix, etc., à quel moment ça naît ? Est-ce que c'est pendant la première création du morceau ou est-ce que c'est après, en y revenant, on se dit qu'on pourrait peut-être essayer quelque chose de différent ?

Dom C'est plutôt après. Je pense que tu fais référence à "Am I Dead Enough". En fait, ce n'est pas vraiment une version alternative qui est sur l'EP, c'est la version originale du studio. C'est toujours compliqué chez nous, on est tellement nombreux, il y a toujours des timings extrêmement serrés, et on a enregistré tellement vite, qu'on a découvert l'album un peu après coup. Et il se trouvait que cette version, on avait un doute, parce qu'il y avait beaucoup, beaucoup de chant dedans, et on avait envie que ça respire un peu plus au niveau des instruments. Donc, on a fait un premier montage, un bidouillage entre la version instrumentale et la version studio, pour que les instruments respirent un peu plus. Et le premier single qui est sorti, c'est la version edit. Et ce qu'on a mis sur l'EP, c'est la version originale du studio. On peut aussi dire qu'il y a une version alternative parce que sur scène on est sur une troisième version...

Renato Sur le plateau, c'est une troisième version. C’est pour ça qu’il faut venir nous voir, parce que de toute manière, vous allez redécouvrir plein de trucs à chaque fois ! [Rires]

Et quand on travaille comme ça, en étant vraiment très nombreux, est-ce qu'il y a beaucoup de difficultés à s'accorder sur ce qu'on va faire avec un titre ou est-ce que...

Tous les trois Oui, oui ! [Rires généraux]

Thierry Oui, forcément.

Renato J'aimerais te dire que chacun a son mot à dire et qu'on écoute tout le monde et qu'on arrive à faire un petit mix parfait. C'est pas tout à fait comme ça que ça se passe. On essaye, ça marche euh…

Dom À peu près !

Thierry Quand il y a vraiment un truc qui nous plaît pas, on le dit et on voit si ça peut changer ou pas.

Dom Il faut faire un peu à la majorité, parce que de toute façon, quoi que tu fasses, tu sais qu'il y en a toujours un pour qui ça n’ira pas ! Donc, on peut pas faire en fonction d'une personne.

Renato Non, on est beaucoup trop pour ça.

Et qui a le dernier mot quand vraiment personne n'est d'accord ?

Dom Ça dépend.

Thierry Oh, c'est jamais vraiment arrivé…

Renato Oui, et puis c'est jamais vraiment une personne qui a le dernier mot. Il y a toujours quand même une majorité. C'est quand même collégial. Mais par contre, vraiment, on ne peut pas plaire à tout le monde et que tout le monde soit complètement d'accord avec tout, ça n'est simplement pas possible. Déjà parce qu'on a tous des obédiences musicales différentes. Même si on est tous issus du rock, en vrai, on n’aime quand même pas tous les mêmes groupes. Donc, on n'a pas exactement les mêmes influences, et on ne peut pas être d'accord à 100% sur tous les points. Mais collégialement, on y arrive !

Dom On a de l'expérience aussi, maintenant, on sait que même si on n'est pas d'accord, à un certain moment, on peut lâcher l'affaire, sinon on n'avance pas.

Dans le EP, j'ai kiffé tous les morceaux, mais j'ai vraiment accroché sur "Whore" !

Renato C'est celui qu'on essayait hier. On l'a joué hier pour la première fois et on était trop contents. On va pas le jouer ce soir, et on est moins contents. [Rires]

Dommage ! Vous si vous deviez choisir chacun un titre de ce EP qui vous parle particulièrement…

Renato Je suis d’accord avec toi !

Dom Moi, je dirais celui-là, mais c'est difficile comme choix. Mais oui, celui-là, parce qu’il y a la mélodie qui reste.

Renato Oui, et puis cette intro, bam ! [il frappe du poing dans sa main]

Thierry Moi, c'est ça qui m'a flashé quand j'ai écouté tous les morceaux. Je me suis dit : « Ah, un morceau qui commence déjà un peu différemment ! » Et juste la putain de voix qui démarre ! Deux choses directes.

Renato Deux choses qui marchent hyper bien sur ce morceau, c'est l'intro et l'outro. Il y a une intro qui rentre carrément dedans, et c'est pas exactement ce qu'on a l'habitude de faire, et il y a une fin qui ressemble à un refrain grandiloquent et en fait, pas du tout ! C’est juste une fin, tu te la prends, et tu l’as plus jamais !

Dom T’aimes ça, toi les refrains grandiloquents ! [Rires]

Renato Oui, j’aime beaucoup ça ! [Rires]

Du coup, toi de ton côté, au niveau du chant, est-ce que tu abordes les Tambours comme tu abordes ce que tu fais à côté, ou est-ce que c'est un peu différent ?

Renato C'est forcément différent parce que je suis pas tout seul à travailler dessus et que là, en tout cas, sur cet album et cet EP, on était trois avec Reuno [Wangermez] de Lofo [Lofofora] et Stef Buriez. Donc, pour mes parties à moi… Parce qu’en fait ce qu'ils font, c'est qu'ils nous proposent vraiment tout un tas de morceaux, une énorme banque de morceaux et ce qui est cool, c'est que c'est pareil avec tous les trois. On ne vient pas des mêmes univers, donc on n'aime pas forcément les mêmes morceaux. On n'est pas attirés par les mêmes morceaux à écrire. Donc, parfois c'est des morceaux qu'on fait à plusieurs, ça nous arrive d'écrire à deux ou à trois, mais parfois c'est des morceaux qu'on a choisis nous et pour les deux autres, c’est pas vraiment leur came. Dans c’est cas-là, j'écris comme j'écris d'habitude. Je suis un conteur, j'adore fabriquer des histoires. Souvent, ça part d'événements qui me sont arrivés, et je brode. Soit je raconte vraiment ma vie. Dans tous les cas, c'est une histoire. Et les deux autres n’abordent pas ça du tout de la même manière. Reno, c'est un espèce de poète de la langue française. Il arrive à faire sonner des mots improbables, mais il ne va pas forcément raconter une histoire. Ça dépend. Et Stef, c'est Satan. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? C'est Satan, il écrit des textes de Satan. Et puis c'est tout ! [Rires]

Dom Il a quand même adapté son chant. Il ne chante pas comme dans ses autres projets.

Renato Bien sûr. On a tous adapté le chant. On est obligés de s'adapter parce que quand tu arrives dans un groupe pareil… il n'y a aucun groupe avec neuf ou dix bidons derrière qui te tapent au cul quand tu es sur un plateau. C'est vraiment pas formel. C'est pas comme un groupe normal, c'est sûr. Donc, tu t'adaptes forcément. Mais on a quand même tous les trois notre style d'écriture qu'on a ailleurs, et qu'on ramène aux Tambours. Juste, on tâche de laisser la part belle aux tambours quand même parce que, comme on l'a dit tout à l'heure, on est capable de tartiner tout un titre, alors qu'il faut pas oublier que le groupe s'appelle les Tambours du Bronx et que les gens ont envie d'entendre les Tambours du Bronx.

Et donc, le titre de ce EP, The Wild Pack, « la meute », c'est une image qui vous représente bien ?

Dom Oui, c'est l'effet de meute.

Thierry Quand on arrive, ça fait peur des fois.

Renato Souvent, même.

Dom Ça fait peur avant, en fait, parce que les gens une fois sur place se rendent compte qu’on est gentils ! [Rires]

Thierry Ouais, t’as un troupeau habillé en noir qui se ramène… [Rires]

Renato Vous êtes combien ? 21 ? D’accord… [Rires]

Pour le coup, ça fait quand même des années que les Tambours existent, mais sur le point de vue logistique, pour des tournées, il y a beaucoup de gens à déplacer, beaucoup de matériel à déplacer. Est-ce que ça devient de plus en plus facile avec les années ou est-ce que c'est toujours un challenge ?

Dom Non, c'est toujours un challenge. On a l'habitude, on va dire qu'on est tous professionnels et habitués, mais c'est une logistique un peu compliquée. Entre tous les différents trains, entre ceux qui viennent de leurs différents concerts, de leurs différents projets ou de différentes villes, ça vient de Strasbourg, Marseille, Paris… Nous, on vient de Nevers. Le noyau dur des Tambours, on a 2 ou 3 camions déjà pour le personnel de Nevers, plus les bidons.

Renato Et y a en plus toutes les personnes rapportées.

Dom Et on a plus tous les techniciens qui arrivent d’un peu partout en France. Logistiquement, il faut que tous les horaires collent. Tu rajoutes des grèves…

Thierry Déjà, au départ, quand y avait pas les chanteurs, entre ceux qui venaient de Strasbourg et ceux qui venaient de Marseille, c'était compliqué chez nous de tous se rassembler.

Dom Et puis, maintenant, ça existe moins les vraies grosses tournées où toutes les dates doivent s’enchaîner, mais je me souviens de l'époque où ça tournait vraiment. On tournait beaucoup. En plus, à l'époque, nos bidons faisaient 2-3 concerts maximum. Après, c'était mort. On faisait des jeux tous les 3 ou 4 concerts avant la tournée.

Renato Je ne savais même pas ça !

Dom Tu savais qu’à la 2e, la 3e date, tout était mort.

Thierry Même à l’étranger. Par exemple, si on avait 2 dates et que la troisième était à Hanovre, avant la tournée on s’assurait qu’il y aurait des bidons de rechange là-bas, et ainsi de suite.

Renato Ah oui, elle était encore pire, la logistique, avant ! Je suis content d'arriver que maintenant, moi !  [Rires généraux]

En termes de balances, même si pareil y a sûrement l'habitude qui s'accumule, est-ce qu'il y a quand même encore des salles ou des lieux où on se dit que, là, ça va être compliqué ?

Dom Alors, oui, mais en fait c'est lié au volume sonore. Parce que niveau balances, en soi, ça se passe comme pour n’importe quel groupe.

Renato Là, à l’Olympia, 18 minutes !

Dom Mais ouais c'est le niveau sonore. Le souci qu'on a, c'est les limitations sonores de plus en plus strictes. Le fait qu'on n'ait pas de bouton volume sur les bidons, ça sonne fort quoi que tu fasses.

Thierry Même si ce n'est pas sonorisé, c'est déjà à la limite.

Dom Parfois, tu poses les bidons, t'as rien d’ouvert, pas de face, pas d'instrument de branché, et c'est déjà trop fort. Le limiteur est déjà en train de clignoter.

Renato Puis si tu dis à un des gars qui est derrière les bidons : « Essaie de taper moins fort », c'est l'assurance qu’il va péter sa bidoche dessus encore plus fort. [Rires]

Dom Ça arrive souvent qu'on tape sur l'épaule d'Armel, notre sonorisateur, en lui disant : « Tu veux pas baisser un peu ? », et il dit : « J’ai encore rien ouvert ! ».

Physiquement, c'est quand même quelque chose de taper sur ces bidons.

Dom Ben oui, regarde-moi, j'ai que 24 ans… [Rires généraux]

Alors… sans vouloir dire que l’âge pèse un peu – je me permettrais pas – mais est-ce que c'est quelque chose que vous vous voyez faire pendant encore 10 ans, 20 ans, 40 ans, que sais-je ?

Dom Ben jusqu'au bout, je pense. En tout cas, dans mon cas…

Thierry Oui, c'est ça. Je vais parler pour moi aussi, parce que je suis un des plus âgés. Ce qui me plaît aussi, pourquoi je continue, c'est parce qu'il y a toujours un nouveau truc, à un moment donné, où je me dis : « Tiens, ça, il faut que je le fasse ! ». Il y a toujours des nouvelles choses. On essaie aussi de se renouveler un petit peu, parce que les tambours, ça a commencé qu’avec des bidons, et ça devait durer qu'une seule fois, qu'un seul shot. Et tant que physiquement et qu'avec la bande qui est autour de toi – ce qui n'est pas toujours évident – ça va aussi, voilà quoi ! Et puis, si, d’un seul coup, tu t’arrêtes…

Dom Je pense que c’est la dépression !

Vous faites plein de collaborations avec plein d'autres groupes - ou pas groupes, d’ailleurs ! Est-ce que ça vous est arrivé de vouloir collaborer avec quelqu'un et que la personne refuse, non pas pour des questions d'agenda ou quoi, mais juste parce que le projet ne l'intéressait pas ?

Dom Oui. C’est aussi arrivé qu’on nous fasse des demandes et qu'on refuse nous-mêmes… Mais sinon, je ne vais pas citer les noms, mais certains rappeurs américains ne cherchent même pas à écouter le morceau. Ils en ont rien à foutre, ils t’envoient la facture directement. Donc, y en a un que j’aimais bien, je l’aime un peu moins maintenant. Il ne cherchait pas du tout à savoir ni qui on était, ni ce qu'on voulait lui faire faire, ni quoi que ce soit. Il m’a envoyé la facture, et c’était – je sais plus, je crois 5000 dollars par couplet.

Renato Par couplet ? Ah cool !

Ça aurait pu être par ligne ! [Rires]

Renato C’est vrai ! [Rires]

Dom Il ne voulait même pas savoir à quoi ressemblait le morceau. Disons qu'à partir de là, c'était fini !

Renato C'est qui ?

Dom Je ne le dirai pas ! Enfin, je te le dirai en privé. [Rires]

Thierry Pas de vengeance ! [Rires]

Dom J'ai branché Ice-T, qui a refusé poliment, sans dire spécialement pourquoi, mais qui a pris la peine de refuser poliment, ça me va très bien. Je préfère que quelqu'un dise non, mais qu'il me le dise franchement ; mais souvent, ce qui se passe, c'est que t'as jamais de réponse, et ça c'est un peu plus chiant. Donc ça, ça arrive aussi, les gens qui ne donnent pas de réponse. Même des gens que tu connais… je donne pas de nom non plus ! [Rires]

Mince, on n'aura pas de scoop ! [Rires]

Dom Ah, je veux pas balancer, mais... C'est Mike Platon qui a refusé, mais Mike Platon, c’est différent. On a joué avec lui à Rock in Rio, qu'on a fait avec Sepultura, et c'est lui qui nous a branchés pour faire quelque chose. Et je l'ai recontacté quelques années plus tard, et il était en train de remonter Faith No More, donc il a répondu lui, directement, pour dire : « J’aimerais bien, mais là j’ai pas de créneau ». Il a pris la peine de répondre, y a pas de souci. Ça me va !

Est-ce qu'il y a des gens avec qui vous aimeriez collaborer dans le futur, qui sont en projet plus ou moins concret ?

Thierry Moi, y a toujours un groupe qu'on n'arrive pas à avoir, c'est Apocalyptica. J’aimerais vraiment faire un truc avec eux.

Renato Ah, ça serait beau, ça !

Thierry Avec les cordes… Ça fait des années que j'ai envie de les avoir.

Dom Maintenant c’est un peu plus compliqué, mais à une époque, des Rammstein, de groupes comme ça, on aurait bien aimé faire des choses avec eux. Bon là, maintenant, c’est pas facile.

Thierry Nine Inch Nails, j’aimerais bien aussi.

Dom Il y a eu des regrets. Si, je peux parler de certains regrets, on devait faire un truc avec Killing Joke, ça n'a jamais pu se faire, même si ce n'était pas de la faute de Killing Joke, c'était vraiment un problème de thunes ! On a un remix de Jaz Coleman, qu'on sortira un jour. Un autre très grand regret, c'était Ministry. Paul Raven, le bassiste de Killing Joke et de Ministry, avait découvert, par Killing Joke, les Tambours du Bronx, et c'est lui qui nous a contactés pour nous dire qu'il fallait qu'on fasse un truc ensemble. Donc, c'est génial, on va enfin faire un truc. Il nous dit : « J'appelle Al, on vous signe sur le label », et la semaine d’après, il était mort…

Renato Oui, voilà.

Thierry L’enfoiré ! Rires]

Dom, Thierry et Renato, sous le portrait de Bruno Coquatrix

Là, vous vous apprêtez à jouer à l'Olympia…

Renato Attends, tu peux le redire, s'il te plaît ? [Rires]

C’est forcément quelque chose d'assez marquant. Est-ce que vous abordez un show comme celui de ce soir de la même manière que vous abordez tous les autres, ou est-ce qu'il y a un peu plus de stress ?

Dom Personnellement, comme tous les autres.

Renato Ouais, je suis d'accord avec ça.

Thierry Il y a le lieu qui est là, mais en fait, on aborde les concerts toujours de la même manière. On jour pareil partout. Par exemple, quand on a fait le Rock in Rio avec Sepultura, le surlendemain, on était à Montluçon !

Dom Je me suis un tout petit peu chié dessus, quand même, au Rock in Rio…

Renato Oui, c'est vrai. Mais là, ce soir, c'est trop bien. Le côté mythique de la salle, c'est trop bien. On est trop contents d'être là. On va pas foirer le show parce qu’on foire aucun show ! Ce genre de capacité de salle, c'est ce qu'on fait régulièrement. On n'y va pas tendus, on y va contents comme tout. Avec la hâte de mettre ça sur le C.V., de faire : « Tiens, l’Olympia, c’est fait ! ».

Dom Les jeunes groupes, souvent, se mettent une pression phénoménale quand ils arrivent à Paris, en se disant qu'il va y avoir des journalistes, des ci, des ça… et même nous, on était un peu comme ça au départ. Je me souviens, les premières salles, que je faisais avec les Tambours, t’avais l’entourage qui était tout le temps là : « Ouais, faut faire attention ! Va y avoir Machin, va y avoir Truc, du coup faut faire gaffe…. ». Du coup, tu montais sur scène, t'étais tendu de la mort et tu faisais pas un très bon concert. Et en fait, on a réalisé qu’on en a rien à foutre. C’est un concert comme un autre, avec des gens, et on fait plaisir aux gens, on se fait plaisir, et du coup on aborde le concert de la même manière et on est beaucoup plus détendus.

Renato Ouais, ce soir on va kiffer. On va faire kiffer les gens, ça va être super.

Dom En plus, on a la meilleure place ce soir, je pense. On n'a pas la pression que peut avoir Sidilarsen qui sont en tête d’affiche !

Renato Oui, carrément. C'est cool. Par exemple, si c'était notre Olympia, peut-être que j'aurais somatisé, j'aurais eu la voix qui flanche, peut-être. [Rires] Mais là, tout va bien !

En termes de capacité de salle, vous faites des gros shows, par exemple Rock in Rio ou je vous ai aussi vus à Wacken, en 20112... Et à côté vous faites des choses plus intimistes. Qu'est-ce que vous préférez ? Ou est-ce qu'il y a des bonnes choses dans les deux ?

Thierry Oui, y a des bonnes choses dans les deux !

Dom Personnellement, j'aime bien une petite salle où tu es proche du public, avec un public réactif et proche. J'aime beaucoup.

Renato Et ça, ça dépend de chacun. Moi, plus il y a une foule énorme, plus ça me fait kiffer. Mais c'est mon statut...

Thierry Oui, mais dans un festival comme le Rock in Rio, la première personne, elle est à 5 mètres de toi….

Renato Ouais, bien sûr… Bon, moi j’y étais pas, mais là, tu sais que tu ne joues pas pour cette personne, tu joues pour la foule complète.

Thierry Ouais mais quand tu repères le regard de quelqu'un, c'est pas pareil, l’émotion est plus directe.

Dom Le premier Rock in Rio qu'on a fait, on était sur la Sunset Stage. C'était pas la plus grosse, mais c’est déjà énorme, y a déjà beaucoup de monde. Quand on est arrivé, tout le monde s'est mis à sauter en même temps, c’était un truc de fou. Mais quand on a fait le dernier Rock in Rio où on était, y avait Metallica, Motörhead... On était sur la grosse scène, eh ben, là, en fait….

Thierry Tu vois personne !

Dom Ouais, tu vois même pas. C'est tout noir devant. On comprend rien… Je trouve ça plus difficile de se mettre dedans.

Renato Ah, ouais ?

Dom Tu n'as pas un regard. T'as absolument personne. Et ça, moi, ça me dérange un peu.

Renato Chacun son style ! Mais ouais, je crois qu’il y a ce délire du statut. Quand tu es devant et que tu as le micro dans les mains et qu’il faut que tu harangues la foule, j'aime autant quand il y en a en plein, quoi ! Quand tu lèves le poing et qu’elle lève le poing toute seule, que t'as même pas besoin d'aller la chercher, je trouve ça trop beau !

Dom Moi, franchement, la tête des gens, je l’ai vue sur le DVD. Sur scène, j'ai rien vu, du tout. Tu ne sais pas si les gens bougent, s'ils bougent pas, s'ils crient, s'ils crient pas. Quand je te dis que c’est énorme, c’est vraiment énorme. Tu te rends compte de rien. T’as juste une pression phénoménale au moment d'y aller. Et au moment où t’y es, t’en as plus tellement, parce que tu vois rien du tout…

Renato Ouais, j’ai pas fait plus gros que le Hellfest, moi, alors je peux pas te dire, j’ai pas ce...

Thierry Oh, ben, c'est la même chose, hein.

Renato Ben, c’est la même chose, mais fois 4, donc c’est pas la même chose !  [Rires]

Dom Si, j’ai remarqué un truc, de temps en temps t’as un mec qui passe en tyrolienne. [Rires généraux]

Si vous étiez libres de toute contrainte logistique et budgétaire, est-ce que vous pourriez imaginer une scénographie de malade ?

Thierry Ouais, moi je pense qu’on irait jouer sur la Lune ! [Rires]

Renato Avec un truc illimité, il faudrait qu'on se la joue Rammstein, quoi !

Dom Si on avait les moyens de se payer une belle scéno, oui, carrément. On a toujours ce côté spectacle dans les Tambours. Après, on est revenu un peu plus à l'essentiel.

Thierry C'est bien aussi, de revenir à l'essentiel !

Dom Après, y a des envies. C'est vrai qu'on a tenté plein de choses. Mais c'est des contraintes qui peuvent être un peu pénibles. C'est bien de refaire quelque chose de plus simple. Quand tu vois qu’il y a des tas de groupes qui ont des moyens illimités et que tu peux pas lutter, tu te dis : « Bon, ben on va revenir à l’essentiel ». Mais si on avait le budget, pourquoi pas ?

Renato

La dernière scéno qui m'a troué le fion, c'est celle de Shaka Ponk. Je suis pas particulièrement fan du groupe, mais la scéno m’a rendu fou ! J'ai passé le concert à faire : « Oh putain, c'est beau ça ! ».

Thierry Oui, d’accord, mais Shaka Ponk, t’enlève les images… [Rires généraux]

Renato Oui, c’est pour ça que je t’ai dit que j’étais pas particulièrement fan du gourpe. Mais par contre, j'ai vraiment apprécié le spectacle !

Thierry Ben, tu vas au cinéma, sinon ! [Rires généraux]

Renato Mais on peut faire les deux ! [Rires]

Ben comme ça, on a une très bonne conclusion de l’interview ! C'est parfait ! Merci beaucoup.

Renato Ben merci à toi, c’était très chouette !

Dom, Thierry et Renato

Merci à Romain Richez et à l'Agence Singularités d'avoir permis cette interview.

Orsola G.

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