28/11/2025

Kill the Princess : une détermination intacte et une parole franche

À l’occasion de la sortie de leur troisième album A Fire Within, nous avons échangé avec les membres de Kill the Princess. Un disque incandescent, porté par une détermination intacte et une parole franche, où elles évoquent aussi bien leur vision du monde que l’évolution de leur travail.

-Kill the Princess fut fondé en 2021. Pourriez-vous nous en dire davantage sur la naissance de votre groupe ? Qu’est-ce qui a motivé le choix de ce nom ?

Kill the Princess a commencé en 2021 comme un projet que Nell (chant/guitare) a créé, pour s’exprimer librement sans se conformer aux attentes. Très vite, Emilie (guitare lead), Céline (basse/chœurs) et Eva (batterie) ont rejoint l’aventure, se reconnaissant dans le message et la manière de le porter. Ayant toutes vécu du sexisme dans le milieu rock et metal, se retrouver entre nous a créé une force supplémentaire.
Le nom reflète cette volonté d’effacer l’image de la femme fragile qu’on nous impose encore trop souvent. Il s’agit d’émancipation : montrer que l’on peut puiser la force en soi et se sauver par soi-même.

-Qu’aimeriez-vous que quelqu’un ressente en écoutant l’album seul, tard dans la nuit ?

On aimerait que la personne ressente une forme de combativité mais aussi l’acceptation d’être pleinement soi-même. L’album parle de ce décalage ressentit face au monde qui nous impose ses normes, ses rôles et ses attentes qui ne nous correspondent pas toujours.

Si quelqu’un écoute A Fire Within seul·e la nuit, j’aimerais qu’iel comprenne qu’iel n’est pas isolé·e. Qu’iel a le droit de ne pas se sentir “à sa place” et que ses peurs comme ses douleurs ne sont pas des faiblesses, mais des moteurs.

L’idée, c’est d’embrasser ce qui blesse pour pouvoir grandir. De se libérer du regard des autres et de trouver sa propre force, même au milieu du chaos. Si l’album peut offrir un moment où l’on se sent vu·e, compris·e et légitime d’être soi, alors il aura rempli son rôle.

“Si l’album peut offrir un moment où l’on se sent vu·e, compris·e et légitime d’être soi, alors il aura rempli son rôle”

 

-Votre groupe est composé de 4 membres. Pourriez-vous décrire en quelques mots la façon dont chacune de vous contribue au projet ? Comment travaillez-vous ?

Chacune apporte une énergie très différente au projet. Nell porte les textes, une grande partie de la composition et la vision initiale de la narration. Ensuite, tout se transforme grâce aux autres : Emilie, avec son regard chirurgical, questionne les détails et affine chaque intention, Céline arrive avec sa spontanéité débordante qui fait naître des idées inattendues et Eva, plus posée, vient stabiliser l’ensemble.

La direction artistique émerge naturellement de nos échanges, de nos discussions, de nos divergences autant que de nos élans communs. C’est une construction vivante, qui se nourrit autant de nos quatre personnalités que du regard extérieur d’Élise (notre photographe et vidéaste) qui saisit parfaitement notre univers et l’amplifie visuellement.

Au final, on travaille de manière très organique : une idée naît quelque part et elle devient vraiment Kill the Princess une fois qu’elle a traversé chacune de nous.

 

-Quelles sont vos inspirations musicales et même artistiques en général ?

Côté musique, on est inspiré·es par la vague rock des années 90/2000 : Linkin Park, Muse, Paramore, Incubus et par des pop stars comme Alanis Morissette, Lady Gaga ou Taylor Swift, pour leur indépendance et leur empowerment. On se laisse aussi inspirer par des artistes actuels qui réinventent le rock et mélangent les genres avec audace, comme Måneskin, Nothing But Thieves ou The Warning.

Mais nos inspirations vont au-delà de la musique. On se nourrit de créateur·ices engagé·es comme Virginie Despentes, Viola Davis, Noémie de Lattre ou Waly Dia, dont le courage et la liberté artistique nous rappellent l’importance d’être engagé·e, fidèle à soi-même et de créer sans compromis.      

 

-Votre musique mélange pop, punk et rock. Comment abordez-vous l’équilibre entre ces influences?

On ne cherche pas vraiment à équilibrer les styles mais plutôt à rester honnêtes et pertinentes par rapport au propos de chaque morceau. La beauté de notre musique, c’est de pouvoir naviguer librement entre pop, punk et metal, d’intégrer toutes les influences qui nous parlent. Le rock reste souvent notre point d’ancrage mais on refuse de choisir un camp : nos inspirations sont multiples et on préfère les laisser coexister plutôt que de les hiérarchiser.

 

-Pouvez-vous nous en dire plus sur les thèmes derrière votre album A Fire Within ?

A Fire Within parle d’un feu intérieur qui peut être destructeur ou salvateur.

C’est un album sur l’élan vital : celui qui pousse à se battre, à survivre, à recommencer, même quand on pense avoir tout perdu.

On explore la notion de combat : contre les attentes, contre les mythes, contre soi-même parfois.

C’est un album brut mais porteur de lumière.

“C’est un album sur l’élan vital : celui qui pousse à se battre, à survivre, à recommencer, même quand on pense avoir tout perdu.

 

-A Fire Within est votre deuxième album. Comment s’est passé sa conception ?

C’est l’album que nous avons écrit le plus rapidement, mais avec une intensité incroyable. Après une période émotionnellement très dense, nous avons canalisé cette énergie dans notre musique. La composition a été instinctive, presque physique et certains morceaux se sont imposés d’eux-mêmes.

Les titres ont été principalement écrits et arrangés au deuxième semestre 2024, l’enregistrement a eu lieu au printemps 2025 et les clips ont été développés progressivement, au fil du temps, presque comme une extension naturelle de l’album.

 

-On retrouve dans l’album des thématiques chevaleresques. Sont-elles parmi vos inspirations ?

Notre nom et le titre d’ouverture, Bury The Castles, en disent long. On ne cherche pas à glorifier l’univers chevaleresque mais à le déconstruire : beaucoup de ses codes sont encore profondément ancrés dans l’inconscient collectif. Le courage et l’intégrité peuvent être inspirants mais la quête de pouvoir et les stéréotypes associés méritent d’être remis en question. Nos morceaux s’emparent donc de ces symboles pour les contourner, les questionner et reconstruire une identité qui nous appartient vraiment.

 

-Qu’est-ce qui vous a inspiré le refrain de The Grim Survival ? Cette vision sombre d’une humanité qui se délite ? Dans ce chaos, voyez-vous malgré tout une forme de beauté ou de résistance ?

Ce refrain est né de l’idée que, quand l’humanité est poussée dans ses retranchements, le pire de chacun se révèle. Personne n’y échappe : on peut tous·tes devenir les “méchants”. L’objectif était de montrer que rien n’est strictement noir ou blanc et que nous devons toutes et tous accepter notre part de responsabilité. Trop souvent, on regarde seulement nos intérêts personnels au lieu de l’intérêt général mais si le monde s’effondre, il n’y aura plus personne pour gagner quoi que ce soit.
La résistance et la beauté ce seraient des choix conscients, des gestes solidaires et la capacité à rester humain·e face à la capitalisation de la vie.

-Y a-t-il un thème que vous n’aviez pas prévu d’aborder et qui s’est imposé ?

La vulnérabilité. On pensait écrire un album plus frontal, presque belliqueux, et finalement des morceaux très émotionnels se sont imposés.

On a dû accepter de dire des choses plus fragiles que prévu.

 

-La chanson la plus douloureuse à écrire ? La plus libératrice ?

What You Wanted, Pieces et Under The Water. Ce sont des chansons très introspectives, profondément liées à des vécus personnels. Elles ont demandé de se confronter à des émotions parfois difficiles à affronter. Écrire ces morceaux a été douloureux mais aussi incroyablement libérateur : c’est dans ce processus que l’on puise de la force, que l’on transforme la douleur en expression artistique. Ces chansons sont un peu comme des miroirs où l’on se regarde sans fard et où l’on peut enfin déposer ce qui pèse, tout en laissant l’auditeur·rice s’y retrouver et ressentir cette même vérité.

-Souhaiteriez-vous faire des collaborations ?
Oui, à notre échelle, on aime l’idée de collaborer avec des artistes indépendants français qui nous inspirent, comme Imparfait, SUN (brutal pop) ou les Grandma's Ashes. Ce sont des univers proches du nôtre, et travailler ensemble serait une belle manière de créer des ponts et de faire circuler nos idées et nos valeurs communes.

 

-Pensez-vous un jour faire une chanson en français ?

Pour l’instant l’anglais nous permet une forme de distance et de musicalité qui colle bien à notre esthétique mais on n’écarte pas du tout l’idée.

 

-Vous sortez un album par an depuis 2023. Allez-vous continuer à ce rythme ?

Ce rythme nous a aidées à jouer avec l’urgence mais on ne veut pas sacrifier la qualité.

On continuera tant que l’inspiration reste authentique, pas par obligation.

 

-Vos projets à venir ? Pourra-t-on vous voir sur scène ?

Oui, bien sûr ! Le concert à ne pas manquer sera notre concert de release party à Petit Bain le 17 janvier 2026. Le reste des dates sera annoncé prochainement sur notre site et nos réseaux. On prévoit également de sortir un quatrième clip et une vidéo live pour prolonger l’expérience de l’album et partager notre énergie sur scène avec celles et ceux qui nous suivent.

 

-Qu’écoutez-vous en ce moment ?

Beaucoup de choses : Nova Twins, Tems, Jehnny Beth, Chappel Roan, Ultra Vomit...

 

-Un dernier mot pour les lecteurs de Metalleux de France ?

Merci de nous soutenir et de prêter l’oreille à notre univers hybride.

Continuez à défendre la scène alternative française, elle est plus vivante que jamais !

Et surtout : n’ayez pas peur d’allumer votre propre feu intérieur.

Une interview d’Anna Gresillon

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