9/10/2025

Igorrr - Le "chant" des possibles

Après la sortie d'Amen le mois dernier, Igorrr enchaîne en ce mois d'octobre des dates dans toute l'Europe. Nous avons eu l'immense plaisir de nous entretenir avec JB et Marthe, les voix du projet, afin d'en apprendre davantage sur les secrets de fabrication de l'album et de la tournée !

Même si Igorrr reste le « bébé » de Gautier [Serre], malgré tout il y avait des identités vocales avant qui étaient quand même assez installées, et l'un comme l'autre vous avez pris la relève. Est-ce qu'il y a une pression ? Est-ce que c'est facile de s'inscrire dans cette continuité ?

JB : Alors, de mon côté, quand j'ai intégré le projet, le mindset ou en tout cas l'idée, c'était d'avoir une certaine... pas forcément une rupture, mais c'était de respecter l'identité d'Igorrr, ce qui avait fait le projet, mais en y apportant une vraie personnalité et d'installer quelque chose de nouveau, donc un nouveau personnage. Au départ, j'ai remplacé quelqu'un sur les tournées, parce que c'était vraiment ça, c'était un remplacement qui est intervenu juste après la sortie d'album, donc d'abord il s’agissait de trouver un peu mes marques, en respectant le travail qui avait été fait avant mais en me l’appropriant. Et après, dans l'album, c'était vraiment d'asseoir une certaine personnalité. Donc pression au début, oui, parce qu'il y a quand même un héritage à porter et puis qui était assez conséquent avec une vraie personnalité, donc il a fallu vraiment trouver le bon angle pour faire ça. Après, pour le reste, j'étais assez sûr de moi, ou en tout cas on avait bien travaillé le truc pour être assez serein sur la partie écriture, en tout cas. Moi j'ai été mis dans de très bonnes dispositions pour vraiment créer et apporter ce nouveau personnage.

Marthe : Alors, pour ma part c'est assez double, parce que Gautier est venu me chercher, donc j'ai pas passé une audition, j'ai pas candidaté pour faire Igorrr, enfin il n'y a pas eu ça, il m'a vraiment dit : « Je veux que tu chantes dans Igorrr », donc il y avait ce choix qui m'a fait très plaisir. Et ensuite, moi je connaissais pas Igorrr, donc j'ai écouté, j'ai vraiment beaucoup aimé la musique, j'ai eu un gros coup de cœur et Gautier me voyait dedans. Moi je venais du milieu classique, je me suis dit : « on va voir ». J'avais très envie de le faire, mais en écoutant Igorrr, j'ai bien entendu qu'il y avait une chanteuse, Laure, avec son identité vocale, sa personnalité qui était très belle, très importante, et je pense que les fans aimaient beaucoup Igorrr aussi grâce à elle. C'était un ensemble, mais je crois qu'il y avait aussi beaucoup de fans de Laure, ce que je comprends. Moi je trouve qu'elle avait quelque chose d'hyper authentique et très beau sur scène, et qui allait bien avec l'identité de cette musique et tout ça… Donc la deuxième étape a été assez difficile pour moi, parce qu'il fallait que je reprenne ces morceaux à elle et je voulais évidemment pas l'imiter parce qu'il y a autant de personnes que de voix sur Terre, une identité vocale chantée c'est quelque chose qu'on peut pas tellement… on peut aller très loin avec la voix dans plein de directions, évidemment, mais la voix qu'on a, c'est comme les personnes, c'est comme le physique, il y a une identité vocale qui est là, et donc je pouvais pas l'imiter. D'autant que moi je suis mezzo-soprano et que je pense que - je sais pas si elle se catégorise et tout ça - mais sur certaines parties en voix de poitrine, elle montait assez haut, et moi en voix populaire, en voix de poitrine, je peux pas monter aussi haut parce que je suis mezzo. Donc, si je prends de la voix de tête et que je fais de la voix lyrique, je peux monter très très haut, mais c'est pas le même fonctionnement vocal, donc il y avait certains morceaux qui techniquement pour moi étaient quasiment impossibles à faire, puisque mes cordes vocales ne pouvaient juste pas le faire. Donc, ça, c'était un challenge et c'était difficile, et j'ai dû apprendre aussi des façons de chanter dont j'avais pas l'habitude. Là-dessus, c'était beaucoup de pression et c'était pas facile et j'avais peur de décevoir les gens, de pas leur faire plaisir. J'ai choisi de juste être moi et d'essayer d'être sincère et puis je me suis dit : « on verra bien», et petit à petit j'ai pris mes marques, et je pense que maintenant je vais beaucoup plus loin que ce que je faisais au début. Mais ouais, reprendre un groupe qui a déjà beaucoup d'années et beaucoup d'albums c'est pas facile.

Tu as un peu anticipé sur ce que j’allais demander après justement, parce que vous avez chacun de l'expérience dans le domaine vocal mais avec des choses différentes, et donc je voulais vous demander si pour Igorrr vous aviez dû vous adapter. Et du coup tu as déjà répondu [Rires] ! Et toi [JB] de ton côté ? Parce que bon, dans Svart Crown, il y avait quand même pas mal de choses différentes, mais ça reste moins un grand écart permanent quoi.

JB : Oui, non moi, j'étais dans une sorte de zone de confort vocal, en termes de tessiture, par contre en termes de placement, technique, idées, rythmique, non là j'ai eu des choses… j’allais dire « farfelues » mais je trouve que c’est un peu péjoratif… Des choses osées, qui m'ont sorti de ma zone de confort en termes de placement, quand je suis arrivé dans le groupe, et c'est ce qu'on a essayé un petit peu de faire sur l'album : trouver le bon placement, le juste placement du chant, etc. donc voilà. J'ai pas été trop trop perturbé par rapport à ça, on a expérimenté d'autres types de voix, j'ai trouvé ça plutôt chouette, de vraiment créer quelque chose de complètement nouveau, avec des superpositions de couches aiguës et graves, qui donnent un côté très mystique, très chamanique sur certains moments. Mais sinon, non non, j'ai pas été tant bouleversé que ça sur le côté vocal.

Et au niveau sonore, instrumental, il y a beaucoup de choses toujours dans Igorrr. En termes d'enregistrement de l'album, est-ce que c'est pas un bordel logistique monstre pour arriver à combiner tous les éléments, ou est-ce que finalement ça se passe de manière assez fluide ?

JB : Ça prend du temps, ça prend beaucoup de temps, l'enregistrement de l'album est long.

Marthe : Ouais, c’était très long !

JB : Pour avoir tout en place…

Marthe : Et trouver aussi les choses justes, parce que plus il y a d'éléments aussi, plus c'est dur de s'accorder tous ensemble et que ça aille bien ensemble, donc arriver à trouver le point de rencontre entre toutes ces informations musicales et que ça sonne juste, c'est pas simple. C'est presque un travail d'orchestre et c'est fantastique, mais c'est pas simple !

JB : Non, c'est vrai ça demande un gros travail... enfin ça a demandé un gros travail logistique de préparation, et du coup beaucoup de temps. Financièrement aussi, c'est une certaine lourdeur d'avoir autant d'intervenants différents, mais je pense que ça a été fluide dans le sens où il y avait une espèce de cahier des charges qui avait été défini depuis longtemps, avec des envies, que ça soit un chœur ou autre, et donc en fait quand ça s'est fait, ça s'est bien fait, ça a été assez fluide, je pense. Mais il y a aussi beaucoup d'intervenants qui sont assez récurrents, finalement, dans les album d’Igorrr, parce qu'il y a Niels qui fait toutes les parties guitare classique depuis pas mal de temps, il y a un violoniste il me semble qui s'appelle Timba Harris, je pense qu'il était là sur Spirituality [and Distortion], mais je crois aussi sur Savage [Sinusoid], un autre violoniste qui fait toutes les orchestrations et les arrangements qui est là depuis aussi longtemps, le bassiste Erlend, qui était là depuis Savage aussi, et un autre bassiste aussi, Mike, qui fait différents types de basses… donc en fait, je pense qu'il y a quand même un petit noyau, il y a le vraiment le noyau dur du groupe, qui va sur scène et qui constitue, on va dire, un peu plus le groupe, et il y a tout un autre cercle de musiciens qui est là, assez fiable, et qui connaît le processus de travail du groupe et de Gautier et qui sait… voilà donc il y a beaucoup d'intervenants différents, mais je pense que chacun sait comment ça marche. Et il y a eu des nouveaux arrivants parce qu'il y a des nouveaux instruments, mais je dirais qu’après, le gros noyau reste le même, en fait.

Et en termes de cohésion, il n'y a pas de petites dissensions des fois sur des choses qu'on aimerait faire différemment…

JB : En fait… Alors, je sais pas pour toi [à Marthe], moi je sais que ça a été intéressant. C'est à dire que j'ai eu la chance faire beaucoup de séances de travail. Bon, forcément, je mets à part les séances quand il a fallu bosser sur les live… mais sur les nouveaux morceaux, j'ai eu beaucoup de journées où je suis allé au studio en me disant : « Bah voilà, Gautier avait des morceaux à me faire écouter, je les écoute, on en discute etc. » et des moments où moi je savais pas quoi faire, parce que j'étais là à me dire : « Qu'est-ce que je peux apporter là-dessus ? ». Des moments où je me disais : « Ah, bah tiens, j'ai ça en tête » et avant que je puisse proposer mon idée, il disait : « Bah tiens, je verrais un truc comme ça ». Et je me souviens de moments où ma première réflexion, ça a été : « Euh, ouais, t'es sûr là ? » ». Et en fait, j’ai essayé d'adopter une attitude où je me suis mis au service du projet, en essayant de mettre mon ego de côté, finalement, et en disant : « Bon, écoute l'idée et voyons… ». Et en réalité, une fois que j'ai eu compris la logique, j'avais tout compris ! J'ai compris pas mal de choses pour trouver vraiment ce juste placement. Il y a des intonations qui en fait ont du sens, c'est comme ça que le morceau doit sonner et être interprété pour que tout l'ensemble soit lisible et cohérent. Voilà. Du coup, une fois que j'ai compris ça, ça a été beaucoup plus simple de me laisser guider. Après, j'ai apporté bien évidemment des idées aussi sur d'autres choses, mais c'est un aller-retour constant de propositions et de collaboration, tout simplement.

Et donc du point A au point Z de l'enregistrement, ça a pris combien de mois au final ?

JB : Euh… en fait, c'est marrant, parce que je crois que quand je suis arrivé dans le groupe, très rapidement, il y avait déjà des morceaux qui étaient en maquette ou qui étaient en projet… donc dès 2020-2021…

Marthe : Oui, Gautier c’est un album qu’il a écrit depuis longtemps, je pense…

JB : Oui, oui, c’est ça, à mon avis les premières idées sont venues à la fin de Spirituality… Je pense que même à partir de 2020, quand le Covid est arrivé, il avait déjà des idées. Et c'est vrai que la sortie de l'album précédent a été ponctuée de tournées, il y a eu des changements, le Covid, beaucoup de choses à gérer en fait, donc la composition s'est faite en pointillés. Je sais qu’on avait des laps de temps entre les tournées qui étaient vraiment dédiés à la création, et c’est aussi à ce moment-là qu'il a créé son studio… on peut même pas dire son « home studio », parce que c'est un vrai studio ! Il a créé son propre studio d'enregistrement chez lui, et il a dû aussi attendre cette période-là pour que tout soit fin prêt, pour qu'il soit dans les meilleures dispositions pour composer, puisqu'il a besoin d'avoir son endroit etc. Donc, en fait, tout ça mis bout à bout… moi je crois que j'ai dû écouter des premières maquettes en 2021, commencer à enregistrer des prémisses en 2022, et en fait 2022, 2023, 2024… tout ça a pris quand même pas mal de temps, mais tout en pointillés.

Marthe : Pour l'enregistrement même, un ou deux ans… une année et demie je pense.

Concernant les live, comme vocalement c'est quand même assez exigeant, comment vous vous préparez quand vous allez faire un live pour pas vous flinguer la voix et pouvoir chanter le lendemain ?

JB : Alors je pense qu’on a deux approches complètement différentes de tout ça [Rires]. Moi j'ai pas… En fait, je suis un peu à l'écoute de mon corps, mais avec le temps j'ai jamais trouvé de méthode à proprement parler, hormis faire attention à moi, à mon corps et à ma fatigue, et à ce que je peux faire, mes capacités. J'arrive à connaître à peu près mes limites pour savoir ce que je peux faire ou pas faire avec ma voix et comment je dois me comporter les jours qui suivent pour justement pas me péter les cordes vocales. Je n'ai pas vraiment de routine, mais je sais à peu près, j'arrive à me doser. [à Marthe] Toi, je sais que tu as plus de choses à faire, plus d'entraînement.

Marthe : Moi c'est un entraînement très très intense. En fait, les cordes vocales sont parmi les plus petits muscles du corps, c'est minuscule, et c'est très très très fragile, c'est pour ça qu'il y a autant de gens qui se cassent la voix. Et le problème c'est que dans Igorrr, je fais pas que des sons petits ou éraillés et tout ça, je fais aussi ces notes lyriques parfois très très aiguës, et si j'ai pas une hygiène irréprochable, je peux pas faire les 20 ou 25 ou 30 concerts attendus de suite. Ça veut dire que je peux faire un début de tournée, mais pas la suite. Et je veux pas prendre le risque, moi, pour les gens qui viennent, qui ont payé leur billet, tout ça, je veux que ma voix soit impeccable pour pouvoir leur faire un beau concert. Donc c'est une vie pas très facile, c'est à dire que je dois essayer de dormir le plus possible, je bois pas une goutte d'alcool, évidemment je fume pas, je prends pas de drogue, je fais des exercices de souffle toute la journée pour que ma voix soit bien solide, et pour pas utiliser ma voix la journée, je travaille les muscles du chant sans la voix. Ça, j'en fais plusieurs par jour. Je fais du stretching, j'essaye de bien manger, de pas tomber malade. Quand je fais les concerts le soir, souvent, le lendemain matin, je me réveille, je sens que ça a été un peu fragilisé, donc je parle pas de la journée… Donc la vie fun de tournée, quoi ! [Rires] C'est très très exigeant et je travaille de souvent plusieurs mois à l'avance pour être très très solide. Je fais des vocalises, enfin bref, j'ai travaillé… Et je me sers aussi des expériences d'autres chanteuses qui ont fait des tournées et qui se sont cassé la voix, et qui racontent que si on fait pas tout ça, ça marche pas, en fait. Mais il n'y a pas de secret, c'est un peu pareil pour tout le monde. Après, JB il utilise davantage ses bandes autour, les bandes ventriculaires, les muscles de la gorge pour faire le son saturé, donc c'est pas tout à fait les mêmes problématiques techniques.

L’album est génial, mais si je devais donner mes coups de cœur, ce serait Daemoni, Headbutt, et surtout Silence, que j’ai trouvé absolument incroyable, dans des styles très différents. De votre côté, si vous deviez choisir des titres dans cet album, lesquels ce serait et pourquoi ?

JB : Ben moi j'aurais dit Silence aussi, c'est celui que je préfère. Je trouve c'est l'un des plus beaux morceaux qu’Igorrr ait fait depuis… je sais pas, peut-être toujours ! C'est l'un des plus beaux morceaux, une musique qui me touche énormément, donc ouais, je dirais Silence.

Où ton rôle est très discret !

JB : J'ai un rôle, mais il est caché ! [Rires]

Marthe : Il est là, derrière, en arrière-plan. Il est jamais très loin ! [Rires]

Ça fait plus tueur en série qu’autre chose, là ! [Rires généraux]

Marthe : Je suis obligée de l'admettre, c'est un morceau aussi qui me touche énormément, et qui va me choper dans des endroits de moi qui me… Voilà, la mélancolie, le côté dark, aussi, parce que c'est un morceau qui est quand même profond et triste, et moi j'aime que la musique triste, c'est la musique que je préfère, même en classique, dès que c'est un peu trop joyeux je suis là *beurk* [Rires]... Je plaisante un peu mais…

JB : C’est ce qui qui te transporte le plus, peut-être, qui te touche le plus….

Marthe : Ouais, j'adore la musique triste et profonde, donc forcément ce morceau, Silence…

JB : Oh oui, oui !

Marthe : Et puis pour moi c'était une performance vocale, aussi, que j'ai adoré faire et on en a beaucoup parlé avec Gauthier, on a trouvé vraiment les... il y a cette toute petite voix qui commence et puis qui devient de plus en plus grande et c'est vrai que c'est comme si... je sais pas, c'est comme si la voix venait sauver ce chaos, venait sauver l'être humain de ce chaos, et pour moi ça me parle beaucoup. Et après, j'aime énormément aussi d'autres morceaux, "Pure Disproportionate [Black and White Nihilism"], je l'adore, et je chante pas dedans ! [Rires] Euh… Est-ce que j'ai fait des petites voix ? Non… Parce que parfois je fais des petites voix ici et là, donc je sais plus dans quoi, mais sur celui-là, non, et je l'aime beaucoup beaucoup ce morceau, je le trouve…

JB : Il est rouleau-compresseur !

Marthe : Je le trouve fat quoi, il est... Ouais, on se croirait devant un grand temple et on va rentrer dans un truc avec des démons, des anges, des créatures… J'adore ce morceau !

Je trouvais que sur l'album, il y avait un petit côté black plus présent que sur les albums précédents, ce qui me parle parce que je suis une grosse fan de black à la base... Vous l'avez ressenti aussi ?

JB : Ouais, j'ai l'impression. C’est un album plus sombre, plus premier degré, peut-être plus solennel, donc il y a quelque chose qui est connecté aux aspects les plus... dans l'ADN du black metal, je pense. Il y a des choses... même le côté un peu spirituel, voire religieux, ce qui est très présent, je trouve, dans le black metal aussi. Donc il y a ce côté-là, très viscéral aussi. De toute façon, je pense qu'il y avait, les années qui ont précédé l'album d'avant, Spirituality & Distortions, il y a eu un côté très dur avec ce Covid qui est arrivé, tous ces changements ; il y a quelque chose de dur, et ça se ressent sur le disque en fait, ce côté : on affronte quelque chose et ça a pas été des périodes simples. Pour Gauthier, mais même, je pense, pour nous tous. Même dans le groupe, on a tous mis quelque chose d'assez grave, donc c'est un peu moins léger, même s'il y a quand même des passages qui le sont. Mais le ton est un peu plus sévère et je pense que ça se ressent, et c'est ce qui m'a peut-être le plus parlé. Après, il y a aussi le fait que peut-être nous, on est arrivés dans le projet, vu que Marthe, ce qui elle la touche artistiquement, ça va être des choses qui sont peut-être un peu plus…

Marthe : Plus solennelles…

JB : Oui, plus solennelles, peut-être un peu plus teintées de mélancolie et moi, c'est vrai que venant aussi du black metal, du death metal et des musiques extrêmes, ce qui me parle le plus, c'est ça. Donc vu qu'on a souvent des dialogues artistiques dans nos moments off, la musique fait partie de beaucoup de nos échanges, forcément, on a peut-être créé des liens à ce niveau-là, et on a peut-être un peu influencé d'une façon directe ou indirecte la composition.

Marthe : Je pense que Gauthier fait aussi avec ce qu'il a comme matériel, avec nous, nos personnalités, c'est ça aussi qui sûrement l'influence et l'inspire.

JB : C'est vrai qu'il y a quand même une influence directe. En tout cas, là, tout a été fait et corrélé et ça s'est bien passé, parce qu'il y a des morceaux qui ont été créés sur lesquels je m'éclate, et j'ai les armes pour pouvoir interpréter et créer des choses intéressantes dessus. Je trouve ça très chouette, finalement, la tournure que les événements ont pris. En tout cas, c'est une orientation artistique qui m'a plu, qui m'a parlé.

Donc, t'as dit que t’aimais la musique triste, mais en off, quand vous faites une soirée, vous chantez du Patrick Sébastien à la maison ou pas ? [Rires généraux]

JB : Oui, parfois, après concert…

Marthe : Même sans être après concert, avant concert ! Souvent, on a un moment dans la loge où…

JB : Ouais, c’est vrai, ça dépend, ça dépend les concerts. C'est vrai que c'est moi qui suis l'instigateur de la playlist avant. Je suis le DJ d'avant concert.

Marthe : On aime bien faire la fête, on aime bien danser. Moi, je ne fais pas la fête avec alcool, mais c'est plutôt...

JB : Ça dépend, en fait. J'ai une consommation de musique, j'apparente vraiment la musique à de la nourriture. C'est-à-dire que je vais avoir besoin d'un peu de tout. Il y a des choses qui doivent me nourrir, qui peuvent être assez légères. Je vais pouvoir écouter des choses qui sont très populaires, très catchy, et je vais adorer ça. Mais je ne vais pas consommer cette musique-là de la même façon que je vais pouvoir écouter des choses qui vont me transporter émotionnellement et me bouleverser au niveau de mon être. J'aime bien avoir cette espèce de nuance et de balance, où je vais pouvoir écouter des choses qui sont très populaires, voire cheesy, et à côté de ça, des trucs qui sont très torturés et avant-garde.

Marthe : Il y a aussi ce qu'on écoute tout seul et ce qu'on écoute avec les autres. Je pense qu'avec les autres, on fait plus de compromis parce qu'on a envie que ça soit la fête et la bonne ambiance.

JB : Oui, c'est sûr.

Marthe : On va peut-être mettre plus d'eau dans son vin dans les soirées, en écoutant des trucs qu'on n'aime pas forcément, mais qui sont sympas.

JB : Et qui font plaisir à tout le monde. En fait, la musique, l'idée, c'est de passer un bon moment tous ensemble.

Marthe : Exactement !

JB : Il n'y a rien de pire que quelqu'un qui arrive et qui veut absolument mettre le truc qu'il aime et qui détruit l'atmosphère globale ! [Rires] On a connu des moments comme ça ! Et en fait, on a plutôt envie de... Des fois, on va écouter des trucs pour passer un bon moment tous ensemble. Et forcément, ça va être des trucs plus détendus et plus populaires.

Marthe : Moi, j'adore danser, donc j'aime bien. J'aime bien la musique aussi faite pour ça.

Ce n'est pas moi qui te contradirais là-dessus ! [Rires] En termes de vidéos, il y a eu 3 vidéos, et une quatrième qui sort aujourd’hui [le 22 septembre].

JB : Oui, "Daemoni".

Comment a été fait le choix des morceaux et la direction artistique des vidéos ?

JB : Alors, je pense que pour ADHD, il y avait déjà une espèce de truc… C'est le premier clip qui est sorti, le premier single. Je pense qu'il y avait une espèce de volonté de faire une sorte de suite au morceau "Very Noise" qui était déjà sur l'album d'avant. De reprendre un peu la même équipe technique pour ce clip-là, et d'avoir une espèce de suite à "Very Noise". Il y a le personnage qu'on voit dans le clip de "Very Noise" et puis là, on le voit évoluer. Il va suivre sa psychothérapie, etc. Donc, ça faisait sens de travailler avec la même équipe de réalisation. Et il y a aussi toujours eu la volonté de documenter visuellement l'album. Et j'ai l'impression qu'avec cet album-là, tous les curseurs ont été mis à 11, parce que tout l'album a été documenté. C'est à dire qu'il y a une personne qui, à chaque fois qu'il y a des séances studio, vient en studio avec nous et filme ce qui se passe. Ce qui fait qu'on a des heures d'images d'archives de tout l'enregistrement de l'album et ça donne un côté visuel très intéressant. Donc, tous les morceaux de l'album ont été filmés et on a la possibilité de faire des clips pour tous les morceaux. En plus de ça, je trouve ça super intéressant, parce que ça donne une deuxième lecture au morceau. On voit un peu ce qu'il se passe et on arrive à mieux comprendre les choses, et j'ai l'impression que ça guide un peu plus les auditeurs. Et ça leur permet de peut-être même plus apprécier la musique. Et ensuite, on a donc fait ce clip "Daemoni." Pour ce clip-là, il y avait l'idée de faire une vidéo. On ne savait pas forcément avec qui la tourner, parce que la personne qui devait s'en occuper a abandonné le projet. Et on était en pourparlers avec plusieurs boîtes. Je crois qu'on s'est concertés. En fait, l'idée c'était d'avoir ce morceau qui était un peu plus catchy, on va dire, qui était l'intro de l'album, un peu plus efficace. Et du coup, on a trouvé, en se renseignant. On a contacté cette boîte de prod polonaise qui s'appelle Grupa 13. Elle a fait beaucoup de clips pour Behemoth, beaucoup de clips dans le milieu métal, etc. et elle est très très compétente. Donc, on est parti en Pologne plusieurs jours enregistrer ce clip-là. C'était super cool. On est assez contents du résultat aussi. Et on a fait un autre clip avec Dehn Sora. Donc là, pareil, on était en hésitation avec deux morceaux et finalement, on a choisi "Infestis". Parce que je pense que ce réal, qui fait beaucoup de 3D, était un peu plus sensible à ce morceau-là, par rapport à son univers. Mais en fait, il y avait un espèce de sens visuel sur pas mal de morceaux, notamment "Infestis". Je crois qu'on hésitait avec "Limbo". Finalement, ça a été un peu dur même de choisir entre les deux morceaux. On a demandé des avis extérieurs. Et vu qu'on ne pouvait pas faire 15 vidéos, on a fait un choix Voilà, pour l'histoire des vidéos !

Donc là, il y a des dates de live, notamment avec Master Boot Records, que j’ai découverts cet été à Wacken et que j'ai adorés, donc je suis très contente ! Pour le planning de tournée, qui est quand même assez chargé, avec des dates loin, etc… [À JB] Toi, tu as déjà connu des situations similaires avant, mais toi [à Marthe] de ton côté, est-ce que ça te change beaucoup par rapport à tes habitudes de devoir comme ça partir sur des grosses tournées ? Ou est-ce que tu étais déjà habituée à le faire ?

Marthe : Oui, ça me change énormément. Parce que déjà, quand je pars avec le classique, je suis à l'hôtel. Je vais partir, par exemple, pour une semaine ou maximum deux semaines, selon les productions. Oui, je pense maximum deux semaines. Et là, ce format-là de concerts tous les soirs, je n'ai pas vraiment été amenée à le faire dans le classique. C'est plutôt des spectacles qui vont changer, etc. Donc, partir dans le bus, en dormant dans le bus, c'est quelque chose qui est...

Est-ce qu’il ronfle ? [Rires]

Marthe : Euh, JB, il ronfle pas, non. Si, tu ronfles ?

JB : Non !

Marthe : Non, par contre, il y en a plein d'autres qui ronflent ! Mais on ne donnera pas de noms [Rires généraux]. Non, oui, c'est dur pour moi de dormir dans le bus. Après, c'est aussi une vie que j'aime, parce que c'est très différent. Je n'avais jamais connu ça. On n'est pas beaucoup de filles non plus dans le bus. On est en très petite minorité, donc je ne suis très souvent qu'avec des gars. Après, c'est des gentils, donc j'ai de la chance. Et on s'entend bien. En plus, je pense que je m'adapte facilement. J'aime beaucoup ce mode de transport parce que c'est l'aventure. C'est l'aventure. On se réveille tous les matins dans un pays ou une ville différente. Et on va chanter dans cette ville pour des gens qui habitent là. C'est trop bien pour l'inspiration et la créativité aussi, de pouvoir visiter la ville un peu. De voir l'atmosphère d'un endroit, d'avoir une nouvelle salle tous les soirs. Je trouve ça fantastique pour ne pas se faner aussi. Et garder cet esprit d'aventure et poétique dont l'art a besoin.

Merci beaucoup, ce sera un magnifique mot de la fin et on vous retrouve sur scène très bientôt pour défendre ce super album !

JB et Marthe : Merci à toi !

Merci à Romain et Élodie de l'Agence Singularité pour l'organisation de cette interview.

Orsola G.

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