3/7/2025

Wytch Hazel - V: Lamentations

Artiste : Wytch Hazel

Titre : V: Lamentations

Label : Bad Omen Records

Date de sortie : 4 juillet 2025

Note finale ; 4,5/5

C’est un album qui porte bien son nom. Lamentations, oui, mais jamais geignard. Plutôt ces plaintes nobles, contenues, presque liturgiques, qui élèvent au lieu d’accabler. Pour son cinquième opus, Wytch Hazel nous livre une œuvre aussi aboutie que tourmentée, à la fois confessionnelle, mélodique et intensément spirituelle. Le groupe britannique, emmené par l’intransigeant et attachant Colin Hendra, poursuit sa quête d’un rock d’un autre temps, quelque part entre la solennité du hard rock 70’s et la ferveur du heavy metal classique. Mais ici, quelque chose a changé. Ou plutôt s’est intensifié.

On sent dès les premières secondes de "I Lament" que l’album a coûté. Composé en dernier, ce morceau d’ouverture résume le tiraillement créatif vécu par Hendra pendant l’enregistrement. Fatigué, vocalement et mentalement, rongé par le perfectionnisme, le chanteur s’est vu forcé d’aller puiser dans ses dernières réserves pour mener le projet à terme. Le résultat n’en est que plus fort : un riff lumineux à la Iron Maiden, une structure fluide et émotive, une production ciselée par Ed Turner, fidèle artisan sonore de la formation. Le ton est donné : ce disque sera personnel. Peut-être plus que jamais.

Wytch Hazel n’a pourtant rien perdu de sa science des contrastes. Dès "Run the Race", le groupe revient à une écriture plus directe, presque dansante, enchaînant breaks habiles et refrains galvanisants. Le morceau, comme beaucoup d’autres sur l’album, oppose douleur et espérance dans une forme de joute musicale continue. Ce tiraillement se poursuit avec "The Citadel", où la voix se fait presque prêche, voyage vers les  années 70’s dans lequel on ne peut que se laisser entraîner, avant qu’"Elements" ne prenne le relais dans un registre plus classic rock, évoquant Kansas ou Blue Öyster Cult avec un naturel déconcertant. Une transition parfaite vers la partie centrale de l’album, plus méditative.

C’est là que le disque ralentit légèrement le tempo pour explorer d’autres dimensions : "The Demon Within" dévoile un équilibre subtil entre acoustique et tension sous-jacente, là où "Racing Forwards" revient brièvement à un style plus direct. Puis vient "Elixir", sorte d’interlude instrumental folk, presque médiéval dans sa retenue, qui agit comme une respiration avant l’assaut final. Il ne s’y passe rien de spectaculaire, et c’est précisément ce qui le rend si précieux : l’honnêteté de l’instant, sans chercher à en mettre plein la vue.

Tout l’album semble d’ailleurs suivre cette logique : celle de ne pas tricher, de ne jamais surjouer. "Woven", dévoilé en premier single, en est la meilleure preuve. D’apparence modeste, presque minimaliste, il distille une mélodie claire, posée, presque enfantine dans son innocence. Puis vient un solo de guitare somptueusement amené, preuve du souci du détail qui habite toute cette production. L’émotion, encore une fois, passe sans bruit.

La fin de l’album se révèle tout aussi maîtrisée. "Heavy Load", porté par une ligne de basse lente et pesante, évoque l’influence de Black Sabbath, avec ce mélange de gravité et de mysticisme qui leur sied si bien. Mais Colin Hendra ne voulait pas d’un disque qui se termine sur une note sombre. "Healing Power", dernier morceau, fait donc office de catharsis : une lumière douce, presque pop dans son refrain, qui vient refermer le chapitre avec tendresse. Le message est clair : il y a un après à la douleur, une force réparatrice possible, peut-être même divine, si l’on veut bien l’entendre.

Car oui, V: Lamentations est aussi un album de foi. Pas prosélyte pour un sou, mais sincère. Hendra évoque volontiers sa volonté de faire du bien avec sa musique, de proposer une forme d’écoute réparatrice, un refuge dans le chaos. On pourrait croire ce discours naïf s’il n’était pas soutenu par une telle cohérence artistique. Car rien n’est laissé au hasard ici : pas un arrangement, pas une ligne de chant, pas un mot qui sonne faux.

Alors bien sûr, les plus bourrus des metalheads y trouveront peut-être matière à redire. Trop lisse ? Trop lent ? Trop propre ? Peut-être. Mais à ceux qui cherchent dans la musique une forme d’élévation, d’introspection, de beauté… ce disque parlera fort. Très fort.

Avec V: Lamentations, Wytch Hazel ne révolutionne pas son style, mais le porte à un degré de maîtrise rare. C’est un album lumineux sans être naïf, sincère sans être mièvre, technique sans être démonstratif. Une œuvre de maturation, de transmission aussi, et une preuve éclatante qu’on peut faire du heavy metal noble et touchant sans sombrer dans le kitsch ni la caricature.

Un grand disque, à la fois humble et ambitieux.

Nos coups de cœur : Run the Race – The Citadel – Healing Power

Tracklist :

1. I Lament

2. Run the Race

3. The Citadel

4. Elements

5. The Demon Within

6. Racing Forwards

7. Elixir

8. Woven

9. Heavy Load

10. Healing Power

Orsola G.

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