1/12/2024

Linkin Park - From Zero

Ah, quel exercice difficile. Linkin Park, ce n’est pas qu’un groupe dont on a aimé l’album. C’est le son des souvenirs. Combien d’entre nous ont vécu des moments clés d’une vie, qu’ils soient heureux ou douloureux, en ayant Hybrid Theory ou encore Meteora comme bande son du film de ces instants ? Des tonalités qui résonnent encore aujourd’hui, et qui restent accrochées aux souvenirs, comme unis par un lien indéfectible, comme une part de quotidien, de culture, le souvenir de ce titre qui tourne sur un mp3 ou dans le lecteur CD de sa première voiture.

La disparition de Chester Bennington a été un séisme, pour les fans de la première heure, mais également pour ceux qui ont suivi d’un peu plus loin les hits qui résonnaient sur les ondes radios. Partant de là, quelle lourde décision et lourde tâche cela a dû être pour Mike Shinoda et sa bande d’envisager l’avenir. On imagine aisément les dilemmes qui ont dû animer la troupe, et l’angoisse mêlée d’euphorie qui n’a dû faire que s'accroître lorsque le compte à rebours de la grande annonce que personne n’attendait plus a commencé à s’égrener.

Et puis, From Zero a pris vie, symbole d’une renaissance, et peut-être bien l’album le plus important de l'histoire de Linkin Park. Alors inspirons profondément, et plongeons, non sans une certaine appréhension, dans ce que ce nouveau visage a à nous offrir.      

Photos - François Capdeville

Etrange cette intro, non ? Comme si le groupe s’était senti le besoin d’expliciter un nom qui est pourtant d’une transparence innée. From Zero. Un nom si lourd de sens, et pourtant, tellement approprié. Mais ce nom est-il si évident à interpréter que ça ? Peut-être que oui, si vous êtes un fan assidu et bien documenté. Sinon, voici la traduction de l’échange que l’on peut entendre : 

  • De Zéro ?
  • Oui.
  • Genre, de rien du tout ? 
  • Oh, attend, ton premier ….

Et ça coupe. Alors, le premier quoi ? Notre théorie, c’est que la femme parle du premier groupe de Mike Shinoda, XERO. From Zero, From XERO… Ça se tient (enfin, selon nous). Dès l’intro, cet album promet de receler de clins d'œil que nous allons tâcher de dénicher. 

On enchaîne avec LE hit de cet album, “Emptiness Machine”. Ce titre est bipolaire en ce qu’il est constitué intrinsèquement de l’ADN de tout ce qu’a toujours été Linkin Park : un duo tout en contraste entre couplets et refrains, la présence néanmoins discrète de l'électro en trame de fonds, un refrain hyper catchy mais qui, en même temps, tire son épingle du jeu. Evidemment, la présence d’Emily Armonstrong rebat les cartes, mais l’absence de rap, un Mike Shinoda davantage tourné vers le chant comme en écho de la nouvelle tête de pont… C’est très familier, et pourtant, bien différent. En tous cas, ce titre est une vraie réussite qui, à n’en pas douter, fera son chemin parmi les classiques de Linkin Park. 

L’intro de “Cut The Bridge” nous évoque, par moments, un certain “Papercut”. On retrouve Mike dans son exercice de prédilection, le rap. La batterie est entêtante et presque trop présente. On sent clairement l’influence presque punk d’Emily Armstrong sur ce morceau (allez écouter “Hands Up” de Dead Sara, vous comprendrez) qui semble avoir renoncé à la mélodie pour pousser toujours plus cette batterie qui n’a de cesse de battre la mesure. 

Sans transition, From Zero nous téléporte à nouveau vers le Linkin Park de la nostalgie. “Heavy Is The Crown” renoue avec les racines identitaires fortes de la formation. Couplets rappés sur un fond musical à peine présent, refrains chantés et renforcé d’un regain d'énergie de la part des musiciens, ce titre coche toutes les cases du bingo Linkin Park. 

Ralentissons le tempo. “Over Each Other” fait la part belle aux capacités vocales d’Emily qui surfe sans aucune difficulté entre voix claire et saturée. Ce morceau est d’ailleurs un monologue de la nouvelle chanteuse, une occasion pour elle de s’illustrer dans toutes ses couleurs vocales, et c’est une belle réussite ! “Over Each Other” est prenant, jonglant à la perfection avec l’héritage comme avec la modernité. On est sensibles aux petits moments de vie capturés à travers cet album, comme vous l’entendrez à la fin du morceau. Il permet de refléter une bienveillance qu’on espère sincère, en tous cas, c’est ce que le live à la Défense Arena nous avait laissé entrevoir. On y avait vu du soutien mutuel, des liens déjà créés, de la ferveur, tout ce que l’on espère voir chez un groupe s'apprêtant à sortir des ténèbres dans lesquelles la vie les a plongés il y a des années et qui entend revenir sur le devant de la scène par la grande porte, et surtout, main dans la main.     

Photos - François Capdeville

Vous avez dit bagarre ? “Casualty” est un titre énervé, vindicatif. En ce sens, il nous est familier. Néanmoins, l’influence punk rock est, là encore, très marquée, tant dans le rythme que dans le ton général du morceau. Difficile alors d’identifier Linkin Park tel qu’on le connaît sur ce titre, si ce n’est qu’il nous évoque la rage d’un “Shut up when I’m talking to you” hurlé du fond des tripes par moments. 

“Overflow” est une plongée sans bouteille dans les influences rap us qu’on image émaner de Mike Shinoda. Titre hybride entre terre et ciel, entre le rap distillé par Mike et les envolées planantes d’Emily, la puissance de ce titre se joue uniquement de la bouche d’Emily, la trame instrumentale étant assez monotone. On a le sentiment d’un morceau qui manque d’aboutissement, néanmoins, on doit bien reconnaître que, pour le moment, From Zero nous transporte d’un univers à l’autre sans ménagement. 

Oh nostalgie, quand tu nous étreins. “Two Faced” est une propulsion vers la vibe old school des jeunes années de Linkin Park, à l’époque d’Hybrid Theory. Ce titre est un énorme banger comme disent les jeunes, un concentré de ce que les années 2000 ont fait de mieux avec ce petit twist de modernité qui nous partage entre nostalgie et euphorie, entre scratch de platine et rap vintage. On en veut pour preuve ce passage qui évoquera inévitablement à quiconque de bien informé l’écho d’un passage devenu légendaire dans la discographie de la formation : 

“I can't hear myself think

I can't hear myself think

I can't hear myself think

Stop yelling at me “

Cette fin d’album est un véritable enchaînement d’instant hits. “Stained” percute par son refrain empreint d’intensité et dans lequel Emily Armstrong excelle. Sa voix se prête résolument parfaitement à l’exercice des refrains poignants, et en ce sens, son arrivée est vraiment un choix judicieux. 

“IGYEIH” s’inscrit sans peine dans le sillage de l’héritage Linkin Park. Titre sans prise de risque, il démontre néanmoins à quel point les fondations de la formation sont solides et capables de résister à la secousse qu’a provoquée le départ de Chester.

On se quitte en douceur, mais aussi quelque part, en douleur, avec “Good Things Go”. C’est un très beau titre dans son message, on aime la sensibilité des paroles, le choix des mots qui veulent apaiser les maux.

“ Only you can save me from my lack of self-control

And I won't make excuses for the pain I caused us both

So thank you for always standing by me even though

Sometimes bad things take the place where good things go “ 

Photos - François Capdeville

Avez-vous remarqué à quel point From Zero est tout un concept en lui-même ? Prenez-par exemple les dernières secondes du titre “Overflow”. On y entend quelqu’un insérer une cassette dans un lecteur puis le tout début d’un titre. Ce titre, c’est “Fuse”, issu d’une cassette démo datant de 1997 et composé par… XERO, l'ancêtre de Linkin Park, avant l’arrivée de Chester Bennington. Tout un symbole. Et c’est important quand on porte le poids des souvenirs de tant de fans. Et cet album en est un en lui-même, de symbole. Il est inestimable. Il représente le pont entre une époque révolue et brisée de la pire des manières et l’avenir. A travers ses titres, From Zero honore son héritage, pilier essentiel qui transpire dans chaque titre, tout en se permettant une percée vers l’avenir. Il cristallise aussi l’arrivée d’Emily et de Colin Brittain (batterie) au sein de la famille Linkin Park, dignes héritiers d’une couronne et d’un empire bien lourds à assumer. Alors, on a presque envie de dire que cet album divisera sans doute la critique, comme à chaque fois qu'un évènement de cette ampleur ébranle le monde musical. Le hic, c’est que rares sont ceux qui ont réussi à se relever d’un tel séisme avec autant de brio. Alors, que l’on adhère ou non à ce Linkin Park 2.0, il serait indécent de nier que le défi a été relevé haut la main. 

Annaëlle Moss

Setlist :

  • From Zero - 0:23
  • The Emptiness Machine - 03:11
  • Cut The Bridge- 03:49
  • Heavy Is The Crown - 02:48
  • Over Each Other - 02:51
  • Casualty - 02:21
  • Overflow - 03:32
  • Two Faced - 03:04
  • Stained - 03:06
  • IGYEIH - 03:30
  • Good Things Go - 03:30

Lineup :

  • Mike Shinoda (chant, guitare, claviers, sample)
  • Emily Armstrong (chant)
  • Brad Delson (guitare)
  • Joe Hahn (scratch)
  • Dave « Phoenix » Farrell (basse)
  • Colin Brittain (batterie)

          

  

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