Label : Reprise
Date de sortie : 22 août 2025
5/5
Par Sarah.L
On peut l’affirmer : Deftones est à son apogée et n’a jamais autant incarné l’essence même de Deftones avec private music et ce, près de 30 ans après sa formation. Ce qui distingue et fait ce qu’est Deftones, c’est la liberté prise dans ses choix en termes de production, de direction artistique et surtout, de son. On retrouve justement le producteur Nick Raskulinecz derrière les consoles pour Diamond Eyes (2010) et Koi No Yokan (2012).
Personne ne sonne comme Deftones et pourtant, de nombreux groupes et artistes de tous genres musicaux n'ont eu de cesse de tenter de personne le mystère du son si distinctif de Deftones, d'être influencés par la discographie impeccable d'un groupe à part. qui suit son instinct. De la scène rock metal moderne, on pense à Thornhill, Sleep Token, The Horrors, Loathe, Wisp ou encore Bad Omens pour ne citer qu'eux.
Les Californiens délivrent leur dixième album studio tant attendu après Ohms (2020) et l’escapade du side-project de Chino Moreno Crosses et l'excellent Goodnight, God Bless, I Love U, Delete. (2023). Deftones est là où on ne l’attend pas et prendra toujours le temps avant de délivrer quoi que ce soit au monde. Deftones incarne à la fois toute une époque constituant l'âge d'or du nu metal dans les années 90 ou des groupes tels qu'eux et Korn. Limp Bizkit. Slipknot, Rage Against the Machine connaissent des succès massifs et populaires diffusés à heure de grande écoute et bénéficient de temps antenne sur MTV &cie qu'on regrette aujourd'hui. Ainsi, Deftones a marqué son temps et toute une génération tout en perpétuant son héritage, suscite une forme de nostalgie certaine en étant le visage du nu metal alternatif éthéré, sensuel et onirique. Pourtant, on ne peut enfermer Deftones dans des genres prédéfinis tant leur son est protéiforme et riche : new wave, dark wave, grunge, shoegaze, post punk, hardcore. Quand j’écoute Deftones, je les associe plus à d’autres pionniers des années 90s comme Tool, A Perfect Circle, Jane's Addiction ou The Smashing Pumpkins » Et à l’écoute private music, j’y retrouve du The Cure, du Cocteau Twins ou encore du Depeche Mode. Voire du Sunn O))) dans l’esprit. D'ailleurs, Deftones a collaboré avec Maynard James Keenan de Tool sur le titre « Passenger » de White Pony. Là où réside toute la force du groupe c'est qu'il ne s'ancre pas dans le passé de la grande époque, un peu comme Limp Bizkit le fait. La bande de Fred Durst ne s'autorise plus vraiment à innover bien que le dernier album Still Sucks (2021) était plutôt bon. Le groupe se voit contraint de ne jouer que ses tubes et s'enferme dans une boucle nostalgique bien qu'il demeure toujours aussi efficace en live. Ce n'est pas le cas de Deftones qui prend son temps, fait les choses en ses propres termes.
Un renouveau exceptionnel
Le groupe ne se repose jamais sur ses lauriers et ne prend rien pour acquis. Leur longévité et leur créativité débordante les poussent toujours plus à innover et expérimenter tout en s’élevant et en s’établissant comme figures incontestées et incontournables dans l’industrie. Jamais dans la caricature et la redite, c’est à près de 50 ans que le groupe demeure plus que jamais solide et toujours autant crédible dans l’énergie, la performance et l’innovation. C’est comme assister à une renaissance sans que cela en soit une. Le groupe ayant toujours été fidèle à lui-même, il n’a jamais cherché à reproduire la formule magique des albums iconiques que sont Around The Fur ou Adrenaline, ne cédant pas à la pression de son label de dupliquer ses œuvres.
Pour rappel, le tube “Back to School (Mini Maggit)” n’est pas du tout la version originale voulue par le groupe mais un titre retravaillé et alternatif de Pink Maggit. Fresque sonore de près de 8min, pas du tout radio friendly en terme de durée et loin du nu metal et rap metal hissés en tête des charts américains. Face à la pression et à la volonté du label d’avoir à tout prix un titre rap rock metal, Chino, quelque peu excédé, écrit en quelques minutes “Back to School”. Pied de nez à la maison de disque, comme pour vouloir dire “j’en suis capable, je sais faire mais ça ne m’intéresse pas”, on enfonce le clou avec le clip un peu cliché (bien que culte, qui n’a jamais voulu skater à côté de Chino ?), très nineties core réalisée par Paul Hunter : rébellion adolescente, skaters et autres cheerleaders.
Le groupe attire toujours plus de nouveaux fans et voit sa fanbase s'élargir et se rajeunir comme en témoigne le grand succès de leurs tubes iconiques sur TikTok pour illustrer la trend baddie core. C'est le constat fait au Main Square Festival pour leur date unique en France cette année ou le premier rang comptait bon nombre d'adolescents en transe.
Un retour aux sources ?
private music s'écoute de façon intime, un moment pour soi niché dans un petit écrin sombre, une bulle insonorisée, coupé de toute distraction et tumulte. On laisse place aux sens, à la plénitude et à l'abandon de soi. On ne peut rêver meilleure entrée en matière que le premier single dévoilé qui ouvre l'album à savoir “My Mind of the Mountain“. Les titres s’enchaînent dans une cohésion puissante, subtile et intense qui monte crescendo avec “Locked Club” et “Ecdysis” et son champ lexical familier avec des mots qu’on retrouve à plusieurs reprises dans les paroles de Deftones : brain / winds / away / ghosts / bathes / silent.
Le ton est donné : magnétique. atmosphérique, saisissant, la production y est impeccable et laisse place à des instants épiques et denses comme dans « Souvenir ». Toujours très forts dans les visuels qui accompgnent les albums, on retrouve à nouveau la figure d’un animal après le cheval blanc de White Pony, la chouette blanche de Diamond Eyes, place au serpent lui aussi blanc pour private music.
Un album de Deftones ne serait pas complet sans un titre d’amour toujours aussi délicat et aérien avec “I Think About You All the Time”
As we sink
Inside of your war ship
Lay next to me
Our theme plays and we're out of our minds, singing
Le climax est on ne peut plus atteint avec le plus Deftonien des titres “Milk of the Madonna” qui officie en deuxième single et qui est une réussite TOTALE. Une impression exquise d’avoir comme déjà écouté ce titre, d’être familier avec tout en découvrant pourtant une nouvelle œuvre de Deftones. On ne peut s'empêcher d’imaginer ce titre en concert, prenant une dimension tout autre. Comme si le titre et sa production avaient été aussi pensé pour le live.
Final en apothéose avec “departing the body” où là, vraisemblablement notre âme a déjà quitté nos corps pour s’élever aux cieux. “Ascend” comme dirait Bring Me the Horizon.
Quand on tape Deftones dans google, une des questions en suggestion fait sourire :
Pourquoi tout le monde aime Deftones ?
Si certains n’arrivent pas à entrer” dans l’univers Deftones, il est indéniable qu’il s’agit d’un groupe inclassable pouvant toucher le plus grand nombre.
La richesse des textures, la diversité de la voix de Chino Moreno (qui fait encore un travail vocal remarquable sur private music) et de la multitude de styles musicaux font de Deftones une formation unique, intemporelle et inégalée. Déchirant, brutal, viscéral, beau, sexy, sensuel. Autant de superlatifs pour tenter de mettre des mots sur une musique qui les dépasse peut-être même eux-même tant la puissance et l’émotion sont vives et uniques à l’écoute de ce que peut Deftones créer.
Le secret de Deftones, c’est de parvenir à rendre doux et tendre quelque chose d’éminemment dur et lourd, de transformer et de voir la beauté dans ce qui ne l’est pas d’apparence. De ne pas seulement gratter la première couche et lever le voile mais d’y retranscrire sa splendeur et son authenticité, vulnérable, sensible et sans fard.
Deftones sera en concert à l’Adidas Arena Paris le 29 Janvier 2026.
Track List
1.My Mind Is a Mountain
2. Locked Club
3. Ecdysis
4.Infinite Source
5.Souvenir
6.CXZ
7.I Think About You All the Time
8.Milk of the Madonna
9. Cut Hands
10.Metal Dream
11.Departing the Body
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“We’ve been waiting here patiently locked in this state, clocking our time”‘