Avenged Sevenfold, légende de ce que l’on peut qualifier de metal abordable : une voix mélodieuse et puissante, des titres catchy, des guitares solos caractéristiques… Impossible, dans son parcours de métalleux, de passer à travers « Hail to The King », « Nightmare », « Bat Country »...
Avec plus de 20 ans d’existence, M. Shadows et sa bande n’ont plus à prouver leur légitimité à se retrouver en tête d'affiche des plus grands festivals mondiaux. Autant dire que 7 ans après le très bon The Stage et nombre de déboires (problèmes de cordes vocales de Matthew Sanders obligeant le groupe à interrompre sa tournée après un show compliqué au Hellfest en 2018, une production d’album laborieuse et repoussée à plusieurs reprises) l’arrivée de Life Is But A Dream était plus qu’attendue de pied ferme par les fans.
Nous voilà donc en 2023, pendus aux lèvres de M. Shadows et aux cordes de Synyster Gates, attendant enfin le doux frisson offert par les instants hits dont A7X a le secret.
« Game Over » (original comme entrée en matière) s’ouvre sur une jolie intro à la guitare, mélodieuse et reconnaissable entre mille. S’enchaîne alors un déferlement rappé qui nous propulse étrangement dans l’univers de System Of A Down. On vous avoue que le parallèle ne nous serait pas venu à l’idée avant de lancer Life Is But A Dream. Les rythmiques s’entrechoquent, passant de phases thrash surprenantes à des envolées plus douces, confortables et familières. Ce premier titre est perturbant à souhait. On a l’impression d’être enfermés à l’arrière d’un camion qui saute de l’autoroute au terrain de cross sans prévenir, le tout sans ceinture de sécurité. Vous voyez l’idée ?
En plus d’être assez violente, cette entrée en matière est doublée d’un cynisme et d’une profonde langueur si moite qu’elle semble vous couler dans le dos à l’écoute du titre. On y parle de suicide, du temps qui passe, du cycle de la vie. Le ton est donné, on vous conseille vivement de ne pas écouter ce titre un jour de spleen. Allez, on continue dans la découverte des Fleurs du Mal d’A7X.
« Mattel » nous ramène vers des horizons plus familiers. Le titre est plus cohérent, la rythmique est puissante et contraste avec des refrains plus clairs qui questionnent cependant les capacités vocales de M.Shadows qui semblent atteindre leurs limites. Les riffs apportent cette touche si particulière et propre à la personnalité d’Avenged Sevenfold tandis que la construction du morceau nous renvoie des flashbacks de « Roman Sky » tiré de l’excellent The Stage. Côté paroles, le ton est encore extrêmement sombre et monotone. On sent que Life Is But A Dream nous engage dans les pensées d’un homme écrasé par la vie et sa routine jusqu’à en avoir perdu l’essence même.
Prochain arrêt, « Nodoby », pierre angulaire de cet album. Ce titre est probablement celui dont la personnalité est la plus marquée. Son riff façon sirène d’alarme est obsédant, et le fait qu’il ne nous quitte presque pas du titre ancre l’atmosphère angoissante qui s’en dégage. C’est lourd, pesant, envahissant. Ce titre joue sur la complexité musicale, superposant toujours d’avantage de technique de guitare soutenue par un batteur vissé à son charleston qui vient titiller le tympan.
Enchaînons par… Comment dire. Malheureusement, le seul mot qui vienne à ce stade est cacophonie. Avec tout le respect que l’on doit à ce groupe, il y a clairement une divergence artistique entre nous. On comprend la démarche globale, et tout n’est pas à jeter sur "We Love You », à commencer par ces phrasés cryptiques d’enchaînement de mots forts « more speed, more drive, more … » et aux refrains qui ne sont pas désagréables à l’oreille. Mais couplé à des sons que l’on qualifierait d’expérimentaux et à ces cassures rythmiques trop violentes pour faire sens, on ne retrouve plus le nord dans ce titre. Un peu comme pour « Game Over », « We Love You » c’est déjà trop, pas besoin de more.
« Cosmic » est une ballade qui se mue en autre chose de temps en temps et qui joue sur des sonorités hard-rock à travers des solos endiablés. Et puis l’ambiance se brise pour aller vers un son plus cosmique, en ce sens, on est dans le thème. Pour autant, on est encore pris à revers. A se demander si M.Shadows et sa bande ne se sont pas amusés à composer un album un peu plus imprévisible à chaque titre. On émet une grosse réserve sur la deuxième partie de ce titre, et particulièrement sur la distorsion de la voix qui nous colle encore des cauchemars à l’heure actuelle.
« Beautiful Morning » nous rend dingue. La rythmique incohérente nous pousse à la limite de la folie. On pourrait penser qu’on s’y habitue au fil de l’album, mais ce serait une grossière erreur ! On est assez perplexes quant à l’arrivée inopinée de ce bridge qu’on dirait tout droit sorti d’une vieille pub pour l’église du coin. On ne ressort pas indemnes de cette écoute, comme déroutés et agacés.
A ce stade, la réponse est non. Non, vous ne vous êtes pas perdus quelque part dans la quatrième dimension, ou alors nous y sommes tombés également. Oui, A7X semble avoir découvert le vocodeur pour notre plus grand malheur. Ne vous laissez pas avoir par le nom de ce titre, « Easier » est tout sauf facile à appréhender. Honnêtement, ça se passe de commentaires tant ce titre semble être un croisement entre le générique des Sims et une espèce de compo funky blues stérilisée. Incompréhensible.
« G », « (O)rdinary » et « (D)eath » forment bout à bout, comme vous l’aurez sûrement remarqué, le mot choisi de GOD puisque c’est le thème de cette suite de trois titres tous plus déroutants les uns que les autres. On navigue entre des atmosphères rock, groovy et blues. Etrangement, ces trois titres semblent condenser encore plus de mélancolie que leurs prédécesseurs.
Nous arrivons au terme du périple. La clôture sera instrumentale, au piano et en délicatesse.
Inutile de se voiler la face, on n’a pas aimé cet album. La beauté de l’art d’Avenged Sevenfold repose selon nous dans sa personnalité unique qui transpire dans le moindre de ses titres, il n’était donc pas nécessaire d’aller flirter avec l’expérimental pour nous séduire, au contraire. Cela dit, chaque artiste est libre d’explorer les voies qu’il souhaite, et du haut de leurs 23 ans d'expérience, il serait tout de même assez mal venu de blâmer Avenged Sevenfold d’aller fouler des territoires jusqu’alors inexplorés. Maintenant, il serait injuste de ne pas saluer les émotions qui émanent de cet album, car c’est bien sur cela que repose le talent artistique, à savoir la capacité de faire ressentir des choses à l’auditeur. Life Is But A Dream déborde d’une mélancolie empreinte d’une profonde langueur qui se décline sur plusieurs thématiques : la société, la religion, le cycle de la vie etc… Et en ce sens, c’est extrêmement réussi ! On ne peut sortir de cet album sans avoir pris la mesure de notre rôle infinitésimal au sein de ce grand système qui n’a de considération pour personne, et sans un sentiment viscéral d’insignifiance. Et ce sentiment va vous coller aux baskets pendant un certain temps ! Les gars d’Avenged Sevenfold ont su mettre les mots sur un sentiment qui nous a forcément tous traversés à un moment ou à un autre de nos vies. Reste à savoir ce que vous voulez en faire : le subir et vous y résigner, ou en prendre le contrepied et faire de votre vie votre plus belle œuvre d’art.
Annaëlle Moss
LINEUP
Mister Shadows (chant, piano)
Zacky Vengeance (Guitare rythmique)
Synyster Gates (Guitare solo)
Johnny Christ (Basse)
Brooks Weckerman (Batterie)
TRACKLIST
- Game Over
- Mattel
- Nobody
- We Love You
- Cosmic
- Beautiful Morning
- Easier
- G
- (O)rdinary
- (D)eath
- Life Is But A Dream