Les suédois d’Avatar ont su imposer leur personnalité à la croisée des chemins entre un death surplombé d’accents indus et progressifs et le freakshow leur insufflant un charisme tout particulier.
C’est avec un neuvième album intitulé Dance Devil Dance que Johannes Eckerström et sa bande reviennent en force. Et attention, le ton est donné à l’image de cette couverture absolument perturbante, hors de question d’amuser la galerie sur cet album. On est convoqués au grand spectacle d’Avatar, mais cette fois il n’est pas question d’une représentation de cirque borderline, mais bien d’invoquer le Diable en personne.
Dès les premières notes de "Dance Devil Dance", la patte d’Avatar s’impose à nos oreilles. Riff groovy et mandale rythmique à l’influence industrielle indéniable. Néanmoins, on se laisse surprendre par des influences heavy aux envolées vocales parfaitement maitrisées. L’ambiance est installée jusque dans les paroles, Eckerström se dépeint comme le Diable en personne et invite à la dance. C’est barré et parfaitement dosé, on a envie de se laisser embarquer dans l’estampie infernale d’Avatar.
"Chimp Mosh Pit" est moins axée sur la musicalité que sur une rythmique solide portée par la voix de tête d’ Eckerström qui semble de plus en plus proche de la sénilité. Ce titre est très marqué par une influence heavy voire thrash.
Retour au death caverneux. "Valley of Disease" déferle sans pitié. Growl maléfique et basses fracassantes, ce titre est un hymne qu’on se voit aisément scander lors des prochains live d’Avatar. Ce titre est aussi menaçant qu’il joue sur des sonorités sur lesquelles planent une ombre démoniaque. On sent un réel travail sur l’ambiance de ce titre, ce qui le rend franchement remarquable.
"On The Beach" s’ouvre sur un riff groovy à souhait. On ne quitte pour autant pas ces sonorités angoissantes en toile de fonds. La guitare semble animée d’une musicalité sortie tout droit des enfers. Parlant de toile, ce titre est un tableau assez indescriptible. Les rythmiques s’emballent et s’entrechoquent, on navigue entre le death, le heavy, le black… C’est surprenant et prenant. En tous cas, les cervicales n’en sortent pas indemnes. Et cette petite mélodie, comme sortie d’une boite à musique, qui clôture un titre qui semble un peu plus barré que les autres nous projette dans les méandres d’un esprit torturé au plus haut point.
"Do You Feel In Control ? surfe sur une vague groovy et heavy qui fait balancer les hanches entre deux partitions death punchy qui nous poussent à bout de souffle. Eckerström est plus inquiétant que jamais. Le personnage est poussé à son paroxysme, et connaisseur ou non, on se laisse volontiers aller à l’image du clown perturbé à la simple écoute de ce morceau.
Mais que se passe-t-il ? Aurait-on quitté Avatar pour plonger dans une comédie musicale composée sous substances ? "Gotta Wanna Riot" est indescriptible au milieu de Dance Devil Dance. Enfin, au sens propre, effectivement ce titre nous ferait bien danser en rond autour d’un grand bûcher. On dirait qu’Eckerström a finalement pété une capsule pour de bon. En tous cas, du point de vue de la comédie musicale, on tient le scénario : le récit de la vie d’un certain Robbie qui construit une bombe et de son ami Bobby qui devient cannibale… Que quelqu’un contacte Netflix, on tient un truc là !
Virage à 180°, on s’engage sur la route du rock à pleine vitesse. "The Dirt I’m Buried In" nous offre un horizon plus clair. C’est funky, presque pop sur les bords, et ça nous prend totalement à revers dans la descente aux enfers qu’est Dance Devil Dance. L’ambiance de ce morceau n’est pas sans rappeler les messes noires de Ghost, teintées de pop diabolique et diablement efficaces.
Bon alors on vous cache pas qu’on est complètement vrillés à ce stade de l’album. On sort à peine de la comédie musicale et de la messe et voilà qu’on se fait castagner la tronche à coup de death cinglant. "Clouds Dipped in Chrome" est violente, ténébreuse. Le démon est de retour dans toute sa rage et veut le faire savoir.
"Hamzat Suit" est énergique et bien convenue dans l’univers d’Avatar.
"Train" joue la carte de la sensualité. Le démon joue sa carte de la séduction dans une rythmique lancinante sur laquelle vient se poser un Eckerström charmeur au possible. Enfin, c’était sans compter sur une schizophrénie manifeste qui laisse la porte ouverte au démon qui sommeille au fin fonds de son esprit tortueux et qui vient nous plomber les tympans. Une dualité affichée qui laisse entendre que ce morceau est à lire entre les lignes, comme un lien entre les vivants et les morts dans lequel Eckerström revêt les deux casquettes tour à tour.
Si Dance Devil Dance nous proposait jusqu’alors un bel entretien avec le Diable, laissant entrevoir toutes les facettes d’une personnalité torturée, "Violence No Matter What" s’affiche comme porteuse d’un message plus universel. Une dénonciation de la violence dans son plus simple appareil.
Dance Devil Dance est un genre de coming-out du Diable qui se cache en chacun. Possession avérée d’Eckerström ou métaphore poussée des vices de l’Homme, l’histoire n’est pas vraiment claire à ce sujet. Nous en jugerons en live, toujours est-il que cet album a un certain pouvoir hypnotisant rien qu’à passer à fond dans nos enceintes. Ce n’est pas aujourd’hui que nous quitterons le cercle magique d’Avatar. Entre influences variées et personnalité marquée, Dance Devil Dance est une véritable démonstration de force. C’est explosif, perturbant, barré sans jamais nous perdre. Avatar sait flirter avec les limites de la raison, nous tenant dans ses griffes jusqu’à la dernière seconde. Vous l’avez compris, vous ne serez plus tout à fait les mêmes après cette écoute, mais si on a un petit conseil à vous donner, c’est de vous abandonner au Malin et de savourer ce qu’il a à vous offrir.
Annaëlle MOSS